LOUIS FACE À LA LOI

27 Octobre 2019.

J’allais au parc avec Louis, Maïa, heureux
D’aller voir les canards remuer dans l’étang,
De parler au héron au regard inquiétant
Et de jouer sous l’arbre aux parterres ombreux.

Louis aime la graine écrasée de platane :
Il dessine en riant des lions, des éléphants,
Puis d’un pied les chassant, il bondit, triomphant,
Pour courir en criant la poule d’eau qui flâne.

Maïa froisse les fleurs et glane des cailloux,
Du petit bois, de l’herbe et dans sa poche amasse
Un trésor au hasard de ses moissons cocasses ;
Et courant, elle tinte avec un air voyou.

Jamais sans un bâton, j’erre joyeusement,
Dans cette singerie de la forêt profonde
Où tout est pénétré d’une terre féconde
Et vivace la graine engendre abondamment.

Pour aller à ce parc, il n’y a qu’un chemin :
Un tunnel d’ombre et de lumière artificielle
Dans le boucan d’un train et l’absence du ciel –
Et nous le traversons. Ils me tiennent la main.

Nous n’irons pas au parc. La police barrait
L’entrée. Sombres gardiens armés, encagoulés
Par la bise d’automne aux lèvres défoulées,
Ils encadraient un peuple et l’encadrait de près.

Trois cents manifestants chantaient. Malgré l’escorte,
Ils brillaient sur fond noir comme un soleil la nuit !
Dansant pour que Demain ne soit pas à Minuit
Comme un conte d’antan tombé des feuilles mortes !

Trois cents agents, robots de Majesté, paradent,
Faisant marche forcée d’un troupeau de bagnards
Sous un soleil cuisant. Leurs muscles en Kevlar
Luisent d’acier, de caoutchouc. Ils pétaradent !

Louis regarde avec effroi. Je m’accroupis.
Je prends sur moi Maïa et son doudou baleine ;
Maïa ignore tout, elle commence à peine.
Louis alors me dit : « Keski se passe ici ? »

Il a trois ans, il ne sait pas la politique ;
J’essaie de faire simple et j’essaie d’être droit :
« Ils manifestent dans la rue contre une Loi. »
Il ne sait pas ce mot, il l’apprend en pratique.

Un CRS eut un sourire américain
Pour le boy effrayé dans les pieds de son père.
Un sourire vainqueur, vaniteux et vipère :
Nous sommes les gentils, nous sommes pour ton bien.

Une du mouvement, faufilée jusqu’à nous,
Me sourit vite fait et parle à mon gamin
De si près qu’il a peur et qu’elle prend sa main
Et lui dit doucement qu’elle fait ça pour nous.

Pour l’avenir de tous ! Et mon cœur avec eux,
Compagnons enchantés de la Loi qui s’écrit,
J’ai l’honneur d’avec vous aller battre Paris,
Partisans du bonheur et de nos jours heureux !

Nous n’irons pas au parc, mais chez le commerçant,
Tandis qu’il blague fort la marche, en bon bourgeois,
Je plante ma saillie en lui disant ma joie
Que la rue chante, et il maugrée en grimaçant.

Et lorsque nous rentrons, moi avec mon poulet,
Et Maïa son doudou, Louis dit à sa mère :
« On a croisé la Loi ! » puis faisant moins le fier :
« Ça faisait peur. Papa a préféré rentrer. »