Jour et nuit debout

à Louis, Maïa et les autres

« Esclaves, ne maudissons pas la vie. »

Rimbaud.

ÉVOCATION

A moi, Éris ! Discorde ailée, que tu me siffles
Un air de pompe et de gaieté quand je persifle !
Déesse, Ange d’Histoire et Muse Ensanglantée,
Souffle-moi les folies que tu as enfantées !

Sire, à toi. S’il te plaît, je te dédie ce Livre.
Mon char à ton Soleil modestement s’attelle ;
Illuminé, je tiens à ce qu’on te délivre
Jouissance sur tout, jusqu’à la bagatelle.

C’est pour vous, mes idiots d’enfants dionysiaques,
Chers angelots bouffis et hypocondriaques,
Car parmi vous riant comme un Dieu qui s’ignore

Et criant dans un ciel que je fixe éclairci
Naît l’Enfant Infini dont le bonheur m’honore,
Ce Soleil qui se lève et que l’on remercie.

*

Il a des envolées, des chansons, des douceurs
Terribles, le Printemps. Mars est un grand farceur ;
Avril dans sa lumière est belle et va, ravie,
Donner naissance à Mai – tête blonde de vie,

Coucou bruyant battant le pavé de son sang !
On dit que Juin, Reine aux longs jours après les beaux,
Est une République aux gazouillis lassants ;
Pourtant, l’amour l’allume et passe le flambeau !

Printemps ! Vert et violent comme la vie, envers
Et contre tout tu as raison : la joie l’emporte !
Nature en touffe, en rut, pousse à tombeau ouvert !

C’est vivant comme tout et tes chaleurs exhortent :
Je t’attends, viens ! Soleil cuisant de ma jeunesse !
L’Été, cinglant : Tout ça, juste pour que je naisse ?

*

Comme on prie dans la nuit pour qu’un soleil revienne,
Toute l’année n’est là que pour cette arlésienne :
Été ! Fille de joie d’un peuple de bons gars,
Monte sur le comptoir, Furie des bodégas !

Peuple versé à boire en sa saison festive
Rêve au ruissellement de l’or de Jupiter,
Car tout part de sa cuisse. Au fait, elle est fictive !
Inventée de main d’homme ! Ô paradis, Enfer !

Zénith ! Été ardent, Brutus épais, Imperator !
Nous nous soumettons tous à ta lumière, à tort,
Mais la langueur est douce et le plaisir est bon.

Vivre au chaud de tes bras, bercés par tes chansons,
Tétant ton sein offert à nos virilités,
C’est mourir d’aise au frais parfum d’éternité.

*

Saison de plume énorme, Automne, Automne aimé,
Pour tout l’art que tu mets à donner au Printemps
Des leçons de lumière et des cours enflammés ;
Accouche, génie lent : fais ta pluie et va-t-en.

Tombée, la feuille est belle, et le vent soulevant…
– C’est ce qui a passé. Le temps a fait son œuvre,
Infatigable artiste allant, la vie rêvant,
La refaire en peinture, en faiseur, en manœuvre !

Mélancolie d’automne en qui nous versons tous,
Mauve et dorée comme une averse de Van Gogh,
Vin de vigueur d’antan dans nos dernières courses !

Toi qui cloua l’Été, alcoolique et ailé
Comme un ange à la Klee, beau-parleur démagogue,
Phare des nuits de craie, tu n’es qu’un pis-aller.

*

Plus rude et moins chanté, si ce n’est pour ta neige,
Hiver toujours plus long, plein de ruines poudreuses,
Tu ris à pierre fendre avec un air stratège
Mais ne trompes personne avec ta chute heureuse.

L’hibernation est le bon sens des belles bêtes ;
Il est l’heure et l’on part avec la tête haute.
Lui, la tête égarée dans l’ivresse et la fête,
Nous dit que c’était mieux, hier. C’est donc ta faute.

Dans son repos glacial un œil exorbité
Sans cesse se démène en Caïn excité,
Enfin libre de Dieu pour voir son œuvre vivre !

Dans l’ombre d’un instant frémissement de glace :
C’est un air de naissance affleuré par la grâce !
L’hiver a des printemps chantant qu’on les délivre !

*

Pourquoi l’homme fait-il à la femme un enfant ?
Par amour. Et l’amour est toujours sans raison ;
C’est un cycle infernal qui refait triomphant
Le monde dans un dur désir de déraison.

Pourquoi la femme enfante à l’homme un avenir ?
Par amour. Et l’amour est toujours un plaisir ;
C’est un cercle vicieux qui d’un conte à dormir
Debout, vire au calvaire éternel du désir !

Vivre : étirer d’un trait le passé qu’on adore !
C’est le Sanculotide achevant Fructidor !
C’est de sa propre glaise amonceler des Dieux

Foudroyant d’un éclair tous nos vieux fronts radieux !
C’est l’aube d’un jour nu et blanc comme un feuillet,
Car tous les enfants sont des QUATORZE JUILLET !

FLORÉAL

D’HOMME À HOMME

C’est un père qui parle au président Macron.

A ce qu’on dit de moi, je suis bon professeur :
Assieds-toi sur ton cul et apprends-moi par cœur.
Je vais sans rire t’expliquer, c’est mon métier,
La vie, en vers réglés par Monsieur Sabatier.

Je te tutoie mais sans mépris. C’est politique.
C’est pour te rappeler, Macron, de toucher terre.
Je suis ce rien qui cause avec l’accent caustique :
Réglons ça d’homme à homme, ici-bas, Jupiter !

C’est un peuple nombreux qui rumine ta fin,
Monsieur le bombardé Président des Français.
Je te le rime en parisien parfait : défunt
Macron. Viré. Finie, la période d’essai.

C’est un père qui parle au président Macron
Dans un raffinement de plume et de goudron.

Emmanuel, mon pauvre, en l’état ennemi
De tout ce que je souhaite à mon fils insoumis,
À mes vieux qui s’en vont et à ma femme libre :
Soigne-toi. Sois meilleur. Éprouve, et lis des livres !

Je t’en prie, c’est sérieux d’être chef de l’État.
Fais tes humanités et relis ton contrat.
Échu à cette place où l’acte est conséquentstom-indent
Tu bavardes, singeant, comme un communicant ?

Mais quand diable as-tu cru ? par quelle volonté ?
Manquais-tu donc d’esprit ? de choix ? de liberté ?
Pourquoi diable être allé prendre d’assaut le trône ?
Pour régner sur un mur rempli d’émoticônes ?

Était-ce pour la gloire ? ou par jeu ? pour le titre ?
Tu étais convaincu d’avoir voix au chapitre,
Tu te croyais brillant ? Mon dieu, c’est tous les mêmes !
C’était pour le plaisir, cette ânerie suprême ?

Observant l’autre con le faire tout pataud,
Tu t’es dit : après tout, je ne suis pas plus sot.
C’est toi qui veux vraiment ou c’est eux qui te poussent ?
Faut-il sauver ton âme, aller à ta rescousse ?

Prends un moment. Regarde-toi dans une glace.
Tu sais combien sont interdits d’être à ta place ?
Tu sais combien ont caressé – avec dégoût –
L’idée d’en être, et ont dit non, restant debout.

Nous te prêtons le droit de dispenser tes foudres
Mais tout chez toi trahit ; partout, ça sent la poudre :
Perlimpinpin, salaud, fumier d’illusionniste !
Je t’inscris en premier – et en gras – sur ma liste.

C’est un père qui parle au président Macron
Dans un raffinement de plume et de goudron.

Fasciste libéral, monarque des poulets,
L’effigie de ta race est brûlée au gibet,
Et toi coulant comme un serpent à la télé :
Pour qui se prennent-ils, avec leurs grands gilets !

Même si Macron le veut pas, nous on est là !
C’est ta chanson, pour supporter ton quinquennat.
Tu pompes notre sang pour tous tes fins de race
Mais c’est pour nous, cochon, que tu vas rendre grâce !

On te pendra, lanterne, avec la paille au cul.
On te foutra le feu pour que ça pète un peu.
C’est comme ça, l’Histoire : on prend, quand on peut plus
La tête entre les mains – et on la casse en deux.

Nous on a des enfants, on se soucie d’après ;
On réclame de l’eau, de l’air pur, des forêts –
Et ta tête, Macron. Je le dis d’un sourire
En la regardant choir, rouler, aller mourir.

Ton portrait n’était rien qu’un peu d’échauffement.
Il est temps d’être tué froidement, pour l’exemple.
Mais le peuple offensé est bien brave et clément :
Te traduire en Justice et les chasser du Temple.

C’est un père qui parle au printemps dans un livre.

Un nid, des envolées : tout le bonheur est là.
J’avais tout arrêté, même écrire pour vivre
Heureux, tout en luttant de mes grands petits bras.
C’est plus de joie jamais que le dira un livre.

On en a gros ! Et les gros bras du grand poète
S’ouvrent parfois comme des ailes de faucon
Pour fondre sur son roi, proie de nature en fête :
J’ai de la plume et du goudron pour tes chansons.

Ces châtiments légers, signé d’un hugolâtre,
T’annoncent que le vrai se prépare à tomber :
Tu rejoueras tantôt la fin de Cléopâtre,
Et nous applaudirons en spectateurs comblés.

Je retourne au silence après avoir parlé.
Je ne dispute pas ton titre ou ta fonction,
Je ne suis pas ici pour faire pourparlers :
Je jette un livre au vent et je rejoins l’action.

Je suis chauffé d’un autre bois. Et au foyer,
Dont je défends toute l’échelle du bon sens,
Je nourris le génie de ma force employée
A rendre au plus serré exaltée l’existence !

Il faut défendre de pied ferme, et faire un pas :
A ceux qui font la vie qui va et réfléchit !
Contre les Loups aux chats perchés du « ça ira »,
J’enseigne l’empathie, l’amour et l’anarchie.

Ni paradis ni rien, même pas pour la gloire,
C’est faire le plus simple et le faire en chantant,
Comme s’écoule vive et sans châteaux la Loire,
Dans la continuité des méandres d’antan.

C’est un père qui parle à Macron, dans un livre
Où il donne leçon de ce que c’est de vivre.

Nous faisons des métiers semblables tous les deux :
Pour moi professeur, père – et toi, président-roi.
Nous orientons, puisqu’on est vu comme des dieux ;
C’est donc à nous de nous hisser jusqu’à leur foi !

C’est prendre le caillou, en faire tout un feu,
Le mettre dans leurs yeux et le laisser qui vibre :
C’est les faire plus forts en les rendant heureux,
Et les rendre plus beaux en les faisant plus libres.

Je te parle parfois, toi l’Épiphénomène,
Mais c’est à eux que je m’adresse tendrement.
Je parle à la fierté de la nature humaine,
Au sang qui vient et nous trahit heureusement !

C’est un père qui parle au printemps, dans un livre
Où il donne leçon de ce que c’est de vivre.

Printemps ! Je te défie comme on supplie un fils
D’éclore du cadavre acharné de mon temps :
Va recueillir nos chants et notre sacrifice,
Et de notre baleine enfante un Océan !

La colère rentrée de ma main, cependant,
Forme un poing préparé pour ta gueule, Printemps,
Si tu tardes encore à t’ouvrir, récitant
De fines fleurs tout seul dans ton coin dissident.

Chaque génération des luttes a la sienne :
Tiens-toi droit, Floréal, fais honneur aux anciennes !
Laisse-moi être en Terre et naître à répéter :
Printemps, été, automne, hiver – avec gaieté !

CHRONIQUE POLITIQUE

2016 – …

Janvier arrive, un peu tristoune, un peu ronchon ;
Le mois suivant : Merci Patron ! Y’a Mélenchon.

Mars infini : « Apportons-leur la catastrophe ! ».
TRENTE-NEUF Mars est réécrit en quelques strophes.

Mon fils naquit comme l’aurore : un beau matin.
« Vienne les jours heureux ! » Je m’adresse au prochain.

Le temps tourne au beau fixe, et quelque chose, enfin…
Mais Picsou veille au grain : le canard est vilain.

Fondu et confondu face aux premiers sourires :
Louis va rire et être heureux. Ne plus Mourir.

J’ai entendu hurler que c’est notre projet ;
J’ai lu je veux ; j’ai lu que vous. C’était osé.

Un pot-au-feu festif le montrera très vite :
Pour la fête à Macron, les carottes sont cuites.

L’amour à voile et en voiture, à la luxure
Ma fille vint, comme un poisson dans l’eau qui dure.

Jaune fier arboré comme un soleil létal ;
L’État sur notre dos souffle un froid de métal.

Assassins ont raison : les morts ont toujours tort.
L’accident du travail ne punit pas les forts.

Charger la mule à la carotte ou au bâton :
Tu as l’air con, au coin ! Bonnet d’âne breton !

Puisqu’il peut nous traiter, Macron retraite à balles !
Et dans le grand frisson, la machine s’emballe.

Sereins rouleaux à compresser, les grands Ministres
S’entraînent à dicter le fouet qu’ils administrent.

Une grippe, une fièvre ! alors ces détestés,
Affolés, prient soudain les corps qu’ils ont fouettés.

C’est le peuple essentiel qu’il faut encourager !
Et chaque mot, nous infectant, nous enrageait.

Confinement : on craint, un peu. Guerre émérite !
« Papi, dis-leur. » On a l’horreur que l’on mérite.

Projection encourue : nous n’en tirerons rien.
Rien pour demain, rien pour la terre et les terriens.

C’est bête à dire en un seul vers : ils sont trop cons.

*

J’ai toujours dit : Cette année-là. Sinon, j’en suis.
Le Christ et moi, on n’est pas là pour rien. [..] Tu suis ? »

*

Et sur le fil, toujours aux bords du précipice,
Enfin un pont qui s’achemine en édifice !

*

Vision : toujours en lutte en la vivant, la vie
S’évertue à la tâche, et ça vit et ça vit !

*

Louis, je meurs. Il me faut dire que je t’aime.

À UNE LUNE

Sable de nuit humide
À une lune loin de tout.
L’onde luit, balancée
Par le flot d’une ride –
L’amour, comme l’air est partout ;
Nous sommes fiancés.

Sur cette mer tranquille,
La lune ronde est belle et blonde
Et sous le feu de tes baisers
Je sens le bonheur qui m’inonde –
En haut, la lune brille ;
En bas, on en mourrait.

C’est beau et bête comme tout ;
Mourir alors, mais on en rit !
Altière Éternité,
Passe ton vain chemin debout :
Ici on couche et on périt –
C’est la jolie Fatalité.

Et sur le sable réchauffé,
Nid de l’amour du temps qui court,
Sans une idée du lendemain
Nos lèvres assoiffées
S’épanchent du discours
Infini de nos mains !

LE PRINTEMPS DES POÈTES

J’avais quinze ans, j’avais un thème et j’ai vaincu :
« Sainte Victoire ». Et mon génie s’enorgueillit :
J’écrirai quand je veux, après avoir vécu.
Et sur la vie qui va, je me suis recueilli.

De retour à la source où ma vie fut saisie,
Quinze ans après, me revoici, ô Poésie !
Credo d’homme au plus pur – toujours réitéré :
Je ne laisserai rien, Poésie, t’altérer.

Magie de dieu en l’homme, ambroisie, vieille flamme !
Tu es le premier cri de notre élan natal !
Épopée d’une foule ou chanson de notre âme,
Tu es l’hymne sacré et le vrai capital !

*

C’est l’éternel labeur et l’éternelle sangle ;
Comme toi artisan, j’écris dans une langue
Vieille comme le monde et comme la clarté,
Langue d’une matière à mettre en liberté !

Elle a bientôt mille ans, la musique absolue
De la langue française. Elle fut un latin !
Et je l’ai, épuisée, sur les bras, résolu
A l’aimer chaque nuit jusqu’au petit matin.

Alexandrin, quel Alexandre est Notre Père ?
L’auteur ou la matière ? Une réponse forme
Un camp, un rêve, un monde. Et je choisis la Terre,
Grouillante de vrais vers pleins d’une vie énorme !

*

J’aime le vers, et son revers millimétré
À la ligne d’après. Il est droit – comme un trait
Perpétré – de pied ferme. Et même de travers,
Il tire à blanc six coups comme un bon revolver !

Il comble mon oreille et mon cœur et mon œil :
C’est la langue en beauté qui danse sur ma feuille
Et l’écho de la balle à nouveau dans le mille
A du chien de coucher dans ce lit cette fille !

C’est la détonation d’un concentré de poudre ;
C’est l’eau de pluie à boire un soir de coup de foudre ;
C’est un élan sportif : un saut à l’élastique

Au-dessus de la vie prosaïque et muette !
C’est le feu ravivé par la main du poète
Éclairant le présent de braises fantastiques !

*

Poète, l’heure est sombre ; et ton chant inaudible
Est trop lent, trop brouillé. Il échappe à sa cible.

Tant pis. Plus libre ainsi de chanter purement,
Prépare un lit rêvé pour le débordement !

PROLOGUES À LA NUIT

Cette scène prend Place de la République.
Prologue et son gueulard de fortune, en panique :

Amis, la rue remue et nous en sommes !
Révolution bat dans nos veines !
Vienne cette heure où l’on nous somme :
Restons debout ! La force est vaine.

De la musique fait arriver quelques gens.
Ça se regroupe en assemblée, en bande, en stand.

Ici ça parle haut, ça parle fort !
C’est convivial, comme un bon bide ;
J’en ai, j’en suis, de ce confort,
Écoute d’eux et moi des bribes :

Mise en lumière à chaque prise de parole.
Toutes les mains levées comme des soleils tournent.

Au passant demandant « qu’est-ce c’est ? » en tremblant :
« C’est un débordement qui a fait un enfant. »
Tout un chacun dialogue et dans la féerie
Cette déclaration est dansée en série !

*

Le peuple à la criée décrète le bon sens !

Lordon le donne, alors la place fait silence.

Le Mac Do ? C’est à droite, après la rue du Temple.

Hors de la Nuit on dit que tous les chats sont gris.

Un peu de poésie dans ce monde de brutes :
C’est avec des chansons qu’on excite la lutte !

Demain est annulé. Nous voulons ne pas être
Mêlés à votre Histoire où vous êtes les Maîtres.

Ce n’est pas mon combat, mais mon enfant a faim.
Ici on est debout depuis trois décennies.
Avant, où étiez-vous ?

On rappelle sur place (et trop tard) les émeutes.
C’étaient des loups ; on a les crocs ; à quand la meute ?

En l’état, l’État meurt. A mort, vive l’État !

Ils nous pissent dessus : ils déclarent qu’il pleut.
Nous sommes des milliers : ils diront qu’on est deux.
Nous savons ce qu’on fait : ils diront qu’on nous leurre.
Nous obtenons de droit : ils nous font une fleur.

C’est le détail qui tue diabolisant le tout.
C’est la chasse à la mouche, enculée de partout.

« Agir en primitif et prévoir en stratège » :
C’était un des slogans du bloc noir du cortège.

Tout aussi sûrement que notre ciel est bleu,
Demain nous reviendrons et nous serons nombreux.

Mais si tout est permis, rien n’est vraiment possible.
Et comme cet Indien de huit ans dans son parc,
Débile mais rieur, bande en vain son bel arc,
Les flèches de l’espoir manquent toujours leur cible.

Comme des loups peureux, ramper aux urnes combles ;
Comme des couperets, tous les jours de Nuit tombent.

J’entendais cet enfant : « Il faut changer la vie ! »
Et je songeais combien je fus du même avis.
Je lui fis la leçon avec des mots qui mouchent
Qu’on me mit dans l’oreille et que je souffle aux bouches :
Écoute, mon petit, la vie est comme elle est
Et je sais qu’à tes yeux ce que tu vois est laid,
Car tes beaux yeux sont plein d’une imagination ;
Mais la vie va plus bas que tes élévations.

Faut-il le répéter ou ressortir l’épée ?
Le monde t’appartient et tu peux le raser !

Finkielkraut prouve un fait avec malignité :
L’idéal de la place est encore expulsé.
Il refera le coup avec les Gilets Jaunes,
Candide inconséquent d’un esprit qui s’étonne…

L’idéal de la lutte est la miséricorde :
Veilleurs et Réveilleurs ratèrent leur concorde.

Adama Traore, la Nuit n’est pas levée ;
Mais le gros du bourgeois ne s’est pas relevé.

Chemise oblige : on dit « Monsieur ». C’est mon travail :
Faire là-bas aussi d’enfants hommes qui vaillent.

*

Nuitdeboutistes indignés, en avant route !
La nuit remue, la nuit je mens, la nuit je doute.
Vivre semble joli quand la journée au lit
Je refais chaque nuit et le monde et la vie.

Forum des Ateliers : l’Avenir, c’est par où ?
Comment sortir de cette impasse où est la Place ?

C’est bariolé, mais pas assez.
C’est audacieux, mais pas assez.
C’est important, mais pas assez.
Ça se disperse avant l’été.

Tout est fini… mais pas encore.

SOURCES CHAUDES

Comme un enfant nu s’offre en riant à la pluie
Battante la campagne essuie l’intempérie.
Foutue la terre espère en être fécondée
Et laisse en ses canaux l’eau du ciel abonder.

L’onde déchue serpente et pénètre la glaise
Endurcie jusqu’au cœur brûlant de la fournaise :
Ce brasier mystérieux en fer et en fusion,
Irradie et redonne à l’eau une impulsion !

Vapeur échafaudée rejaillissant de l’antre
En pleine ébullition ! pour qu’au sol qu’elle éventre
Elle fume sans fin, comme le feu grégeois.

Source chaude et changée dans le soufre et la joie,
Exhale sans faiblir et baigne largement
Les enfants nus offerts à ta pluie en riant !

*

Le ruisseau maraudeur
Depuis sa source alpine
Charrie à tour de bras
Dans un flot de candeur
Le fruit de ses rapines
Jusqu’en bas.

Et là-bas,
Tous les hommes soupirent
Dans le bassin fumant
Chaud et régénérant
Des idées qu’il inspire
En pansant vertement
Toutes leurs plaies !

Ô Ruisselet !
Tu formas à la force
D’un remous de sillons
Ta cristallisation !
De la terrestre écorce
Aux plus noirs tourbillons !
Purifiant,

Lentement,
Ton magma initial
En une eau minérale
Digne d’un alchimiste !

Va, Esprit Idéal
Mettre ta bonne étoile
En bout de piste !

*

Après qu’il irrigua famille, amis et proches,
Le Ruisseau s’en alla comme ces éléphants
Dont la légende dit qu’ils meurent triomphants.

Lui qui fut pur et clair comme de l’eau de roche,
Voilà qu’il s’amalgame aux fleuves étrangers
Jusqu’au delta mortel où de limons chargé,
Vaincu, il se dissipe au fond du gouffre bleu.

L’eau vive a bien croupi. Les profondeurs sont froides.
Belle idée assoupie, j’attends ma sérénade !
Les lunes passent – rien. J’attends. Parfois, il pleut.
Oh c’est si douloureux d’être oublié de tous !
Je me rappelle ému la splendeur de ma course :
L’impulsion de l’esprit, les succès de l’action !
C’est dans ce purgatoire alors qu’on en termine ?
On laisse le Génie, nul ne le dissémine ?

La bonne aurore, enfin ! C’est l’évaporation !
Élue parmi la nappe infinie d’Océan,
La Source monte au ciel pour servir les vivants
Comme l’âme ravie d’un être qui n’est plus ;
Les enfants nus diront : « Je suis riche ! Il a plu ! »

CHANSON D’AMOUR

Mes deux amours ont un prénom
Amour lyrique Amour épique
Mes deux amours sont des chansons
C’est Béatrice et Colombine

L’amour lyrique et l’amour jaune
L’amour épique et l’Héloïse
C’est Béatrice qui bourgeonne
Et Colombine en pleine Église

Elle est au bal et va dansant
Vive et serviable la maline
Parmi ses visages changeants
Elle serpente la féline

L’autre me guide au Paradis
Glorieuse Élue aux pieds du Temps
Dans ma dantesque Comédie
Vie héroïque au neuf d’antan

Tous les amours sont miroités
Amour lyrique Amour épique
J’aime beaucoup et à côté
Tous mes amours sont utopiques

L’amour lyrique et secondaire
Jalouse hors champ cette colonne
L’amour épique et ses grands airs
De paon outré qu’on pantalonne

Paonne aux beaux yeux émue rebelle
De n’être plus reine à trousser
Crevant d’envie d’échappées belles
Des envolées à repousser

Amours ont tort et j’ai raison
J’aime en enfant et j’aime en homme
C’est merveilleux chaque saison
J’aime toujours comme personne

Toi qui cherchant soudain me trouves
Sache toujours Amour passant
C’est Colombine qui nous ouvre
Mais Béatrice est notre sang

Amours du moindre à l’infini
A toi à nous qui nous aimons
Vivons la flamme indéfinie
Dont le feu brûle nos poumons

Mes deux amours ont un prénom
Amour lyrique Amour épique
Mes deux amours sont des chansons
C’est Béatrice et Colombine

RÉVÉLATION

Je crois montrer un peu ce que c’est qu’un poète
Dans ce livre où je mets le français à la fête.
C’est que mon sujet grave et enjoué s’y prête :
Il s’agit, en un mot, de dire au monde : Arrête !
Et va comme il faudrait que tu ailles afin
De n’avoir pas si tôt une si triste fin !

Je déplore mon temps et ses passions bizarres :
Nous adorons Midas en dédaignant César,
Nous admirons Paillasse en ignorant Orphée,
Nous méprisons Martin et son manteau sacré…
Nous nous bandons les yeux, puisqu’on n’a plus l’étoffe !
Apocalypse ! Apporte-nous la catastrophe !

C’est un bruit de silence, une chute, un malaise,
C’est dans l’air un violent parfum reniflé d’aise,
Un appétit brutal pour toute catastrophe.
Fléau, tu es prié : les hommes t’apostrophent.
Après nous, le déluge ! Apocalypse, danse !
Apporte-nous la pluie comme une récompense !

Bronca, Charivari, Pétarade et Tollé,
Cavaliers ricanants d’un présent désolé,
Venez, voyez ! Voilà ce qu’aujourd’hui nous sommes :
Des idiots à bâter et des bêtes de somme !
Armés, comme Scapin de son bâton, riez !
La marotte à la main, houspillez, houspillez !

Les Quatre Cavaliers épurant notre race
Nous passent sur le corps, sonnant notre disgrâce.
L’homme applaudit à la vision de leur passage :
Famine, Guerre, Épidémie, Bêtes sauvages…
Lâchés sur nous comme des dieux auréolés !
Bronca, Charivari, Pétarade et Tollé !

L’heure est au carnaval de la race qui paisse
Et rend sa grande bouffe en vomi de l’espèce ;
La mascarade est nue au sommet de la cuite
Et tout ce qui est craint arrive tout de suite.
Cavaliers déchaînés dans le grand dénuement,
Piaffez, dragons, et glas ! et glas au dénouement !

Pétarade, orgueil blanc, dit le fait de ta force !
Va comme un fou, piétine à ras, bombe le torse
En te cabrant, damné, aux quatre coins du monde !
C’est l’heure sous tes fers d’allumer une fronde !

Bronca, ta rouge gueule empourprée de colère,
Ouvre-la ! Montre-leur combien broie ta molaire
Puisque tu as les crocs pour foutre un monde en l’air :
Flaire le palpitant, vise la jugulaire !

Charivari, jaune et pâlot, au nez des gens,
Remue ta queue paillarde et fais souffler un vent
Contre l’odeur de sainteté de leur argent !
Au lieu de rire va, viens prendre les devants !

Et Tollé ténébreux, maigre comme un coucou,
Balance un peu ta paix intérieure à trois sous…
Ne parle plus pour rien, élève cet enfant
Et donne-lui le sein en homme triomphant !

Les Quatre Cavaliers bien rattrapés sont pris :
L’Homme sur eux est seul comme un Agneau qui crie.
C’est au cinquième saut que les chevaux s’envolent :
Grandes âmes passées, passez à tour de rôle !
Et pourtant, au premier tremblement de la terre,
Le soleil devient noir et la lune est sur terre.

Le silence infini de l’espace, à nouveau.
Les Quatre Cavaliers seraient presque dévots
Qu’ils ne seraient pas moins capables d’une éclipse !
Pour ta Révélation, écoute, Apocalypse,
Dressée par la main verte et ferme de la Vie :
Retourne à ta trompette, on t’a assez suivi.

NÉ POUR NAÎTRE « ET MOURIR »

Printemps 08.

Nés du ventre des femmes,
Maigres jetons sans âme
Jetés sans conviction
Dans l’enfer de l’action :
Que sommes-nous ? Poussière
Et au diable ma mère !
Poussière résignée
A ravaler sa trace
En empreinte soignée :
Dix-neuf, noir, perd – et passe.

L’homme est lame féconde :
Il tire du néant un nouvel assigné,
Le jette froidement dans les dangers du monde
Où d’un fœtus changeant il tourne avorton niais.

Je sais que le soleil qui se lève se vautre.
Je suis, c’est dur à dire, un peu comme vous autres :
J’ai – et je le regrette, une ivresse d’espace,
Et le rêveur profond prend l’infini qui passe !

Seul l’Infini senti, respiré, vu, touché –
Même du bout des doigts, mérite d’accoucher.
Mais rejeté à tort comme du petit lait,
On le marque à la tache : alors, Il nous balaie.

Nous sommes de l’espoir issu d’un amour fou !
L’éternité de naître est rit de bout en bout !
Sur la scène la Vie déambule, debout !
Même en ne faisant rien, un homme est toujours tout.

« Mais la Mort tue. Et Naître, alors, nous destitue.
C’est retour à la brute antique des statues !
Saleté espérant renouer au lustral,
Redoré par sa mort lors de l’ultime râle,
L’homme ne s’intéresse au ciel gros de tempêtes
Que s’il lui tombe en un éclair et sur la tête ! »

Lorsque je serai mort, ouvre-moi les paupières ;
Mes yeux seront de glace et plein d’une bonté :
La sagesse des lois et la joie ouvrière.
Ils te regarderont d’un mensonge éhonté,
Et armés jusqu’aux dents ils diront leur prière.

Je ne crois pas plus en la mort qu’en la naissance :
Tout passe en catastrophe.
Comme ces grands oiseaux dans les ports de plaisance
Que la mer apostrophe.

La mort est un fléau finalement quelconque…

Je repose ma plume.

« Un Ange passe. »

Puis d’une voix qui a mué : La mort est un fléau…

Été 10.

Il est des choses qui sans cesse s’ensemencent ;
Naître n’est pas acquis : cela se recommence.

J’ai connu des cocons au feu claquemuré
Qui ne surent jamais s’éventrer d’une flamme,
Des serpents affligés infichus de muer
Et des plaies désertées par les fécondes lames.

Les tenants de la soie qui sans cesse trafiquent
Pour tenir en respect notre fournaise épique
Fauchent nos fils mutins taquinant leur monarque
Comme le fit, en musicien, l’ongle des Parques !

*

Dans un autre tapage qu’un dire de soi,
Un parler de poète ! Un poète françois.
Comme il en fut parfois dans les temps que j’ai lu :
De grands poètes droits, des comme on n’en fait plus !

Dédicace aux Anciens : aujourd’hui, je prends Muse.
Elle est belle et fluette, enthousiaste et muette.
Naïve et printanière, elle inspire des airs !
Elle a pour nom le peuple et pour sort la misère.
Elle fait peur, pitié, ma Muse désolée
Dont j’entends le long chant ravalé, muselé !

Je la laisse à son rythme enrager mon débit.
Cette chienne a souvent le mors pour alibi
Et salive suivant combien le mors l’étrangle ;
Elle remue souvent la queue quand on la sangle.

Elle a les crocs, tu crois, pour apprendre à régner ?
Va, saute au cou de l’Inconnu pour le saigner :

La main tendue était trop tendre. Elle a passée.

La mort est un fléau toujours recommencé.

INTERSAISON DE JOUR

Matin, alors que je me couche et que tu dors,
Je t’exhale un soleil pour le jour qui s’annonce :
C’est le relais d’amour. C’est mon corps qui renonce
Et ta beauté levée qui monte au mirador
Veiller sur mon sommeil comme une lune fauve !
Puis comme le Printemps fêté à son retour,
Tu reviens à la fin de ma nuit, mon amour,
Me dire qu’il est l’heure. Et hors de notre alcôve,
Nous sortons et je dis : « M’accordes-tu ta main ? »

Chaque Midi, notre passion sans lendemain
Chante le jour nouveau qui est toujours un comble.
Et la lumière est pleine ! et pleine tellement
Que de notre amour germe un grand débordement :
C’est la semence en feu et le rayon qui tombe !
Dans ton ventre, la vie ! Enfants de notre Été,
Nous leur passons la main, futures sentinelles !
Amour continué par notre sang qui mêle
Ton aurore et mes nuits pour leur éternité !

MILLE MILLIARDS DE SOLEILS

TORCHES PRODIGUES

Jan Palach étudiait à l’université
De Milan Kundera et de Jacques Le Goff.
Il s’est précipité
Pour sauver le Printemps d’un soleil catastrophe :
Et ce flambeau passa de bougies en brasiers
Pour flamber à nouveau des décennies après
Lorsque Vaclav Havel, défiant tous les bousiers,
Fleurira de Printemps la tombe de Palach.
C’est écrit sur la plaque :
« J’ai fait ça pour après. »

*

Mohammed Bouazizi, marchand quatre-saisons,
Avait connu les champs, les chantiers, le négoce.
Il s’élevait, tout doux, comme s’élève un gosse.
Dans tout Sidi Bouzid, charriant sa cargaison,
Il proposait à la criée des légumes, des fruits ;
Des pauvres dépendaient de sa charrette à lui.
Ce jour-là fut brutal : les policiers le prirent
De force – et donc de droit, avec un grand sourire.
Il s’en est plaint, c’est régulier, auprès du Roi.
Le Roi dormait, couvert de sel de pâmoison.
L’autre humilié, exclu, faute de pendaison,
Et contre le poison s’immola par le feu – pour autrui.
« Je fais cela pour vous. » […] Cela porta ses fruits.

*

Madame Lise était enseignante à Béziers ;
Des enfants turbulents chahutaient sa misère ;
Elle alla s’immoler. Prêchant dans le désert,
Toute trempée d’essence elle marcha, blasée :
« Je fais cela pour vous » dit-elle en un brasier.


D’autres se sont jetés par la fenêtre avant.
Et combien à la tâche épuisés comme avant ?
Toi tué au travail pour un meilleur futur,
Et toi, mort au combat pour sauver la droiture,
Et à tous les lanceurs d’alertes salutaires,
Entraînez tout un ciel ! qu’il tombe et les enterre !

Nous perdons en gaulois, mais en gaulois infâme,
En gaulois dégradé, en gaulois de roman !
Ave verum, Guerrier, suicidé par les flammes :
Je brûle ma maison, la regarde brûler,
Et dans la dignité de ce dernier moment,
Je me jette dedans, Horla immaculé !

Vrais corps en lutte et salués – c’est trop aimable ;
L’homme de paille, et né dessus, est inflammable.
Torche humaine chantant l’horreur du sacrifice
En l’éprouvant pourtant pour l’avenir d’un fils !
Nous brûlons d’espérer que le vent tourne un jour ;
Ils renoncent pour lui à vivre pour toujours.

Dans l’infini à faire, entre autres auréoles,
Au lieu de sanctifier des vedettes marioles,
Prendre au hasard parmi les martyrs de la vie :
Chunoshin, Ormando, Palach, Bouazizi,
Musa Mamut, Quang Duc et les autres – sans nom,
Misérables et Saints du feu de leur action !

ODE AUX ROIS

Ô Soleil adoré par tout le genre humain,
Éclairant notre vie s’écoulant de tes mains,
Aujourd’hui comme hier nous allons
Dévaler la vallée
Comme une eau de rivière en serpents de chemins
Désemparés de s’en aller
S’évaporer
Sous les rayons ardents de ton feu adoré !

*

Princes par droit d’aînesse, ô Rois de nos cavernes,
Louis, Charles, François, Napoléon, De Gaulle :
Où êtes-vous, Seigneurs éclaireurs de lanternes ?
Où sont Auguste, Horace, Aristote ou Saint-Paul ?
Lumières occultées par nos néons modernes,
Vous clignez, effarés de voir qui nous gouverne !
D’où sort ce reliquat qui roule des épaules ?
Où sont les rois assassinés en premier rôle ?
Astre maigri comme une puce automatique,
Souris, tu es filmé… Tu joues au monopole,
Imbécile élevé au robot de contrôle !
Soleil télévisé des majestés antiques !

Français, je sais la joie de la tête coupée ;
Chez nous, on se tempère à coups d’assassinats.
Cela se danse, en Italie. Plus Grand Guignol huppé,
Du Soleil d’Austerlitz à la Bérézina,
Nous sommes ce vieux peuple ayant fait le plus neuf !
C’est plus de verve, enfin, que trois nations n’en a !
Fille aînée du Discours, la Fable a fait un bœuf :
Victor Hugo fut président, un Nirvana !
Peuple champion du monde en art géométrique !
Nous sommes une Chine étouffée dans son œuf
Et nous sommes la terre où fut QUATRE-VINGT NEUF !
Soleil télévisé des majestés antiques !

Je sais que Floréal qui fit l’Être suprême
Fut trop court, raccourci par l’Homme de Brumaire.
L’eucharistie de l’Être : entre un Dieu qui nous aime,
Et l’idée qu’il en faut comme il faut une mère,
Un néant d’abstractions jusqu’à ce que la Terre,
Martyrisée jusqu’au calvaire de nos races,
Incarne en croix de bois la Nature qui passe…
Vivons pur dans son ciel et nos nids de chimères,
Et picorons le monde en piaillant des cantiques !
Qu’on traverse l’espace en laissant nulle trace,
Dans un monde pareil à ce Soleil qui passe !
Soleil télévisé des majestés antiques !

Prince, nous te rendrons la monnaie de ta pièce ;
Puis il faudra mourir. Allez, par gentillesse,
Nous te débrancherons. Nos Fées sont électriques !
Nous savons la saveur retrouvée de la vie
Et nous irons voler ton feu pour la survie !
Soleil télévisé des majestés antiques !

*

Ô Soleil adoré par tout le genre humain,
Éclairant notre vie s’écoulant de tes mains,
Aujourd’hui comme hier nous allons
Dévaler la vallée
Comme une eau de rivière en serpents de chemins
Désemparés de s’en aller
S’évaporer
Sous les rayons ardents de ton feu adoré !

DIRE LA FRANCE

France qui fut fameuse, un reste de prestige
Auréole ton nom dans les livres d’Histoire ;
Si l’étranger se pâme en voyant tes vestiges,
C’est qu’un monde rêvant rêve toujours ta gloire !

Bien sûr qu’elle exista, avant qu’on dégénère
Ô France, ta grandeur. Repose en paix, Patrie.
Tu n’as plus ce qu’il faut pour prendre de grands airs
En exigeant, pour tout tribut, l’idolâtrie.

Bien sûr qu’émane encore un relent de parfum
De ton cadavre chaud… Et c’est à pleins poumons
Que je gonfle d’orgueil en te fouillant, défunt
Dont le sang bout toujours en moi comme un Démon !

Bien sûr qu’en végétant, tu gâtes ton Histoire :
Rome n’est pas Byzance, et sans parler d’Athènes…
L’homme préfère à l’Éternel le transitoire
Et les récits trop longs ont des fins trop certaines.

Disons que c’est passé. […] C’est passé dans ta langue,
Dans un français passant du plus chic au sabir,
Et d’un latin d’Afrique au créole d’un slang !
Ô France, c’est ta loi : c’est la vie, sans traduire.

Notre peuple demain persistera. C’est dit.
Tout repousse toujours ! Vive et régénérée
La terre inculte, au soleil lent, est dégourdie !
Friches renouvelées, donne-nous des forêts !

Jadis droits comme un coq dans nos gauloiseries,
Nous fumes étripées pour claironner matin,
En rendant gorge aux conquérants de nos prairies
Dans la langue d’airain de ces colons latins.

Puis de franche mémoire imprégnée en mille ans,
Rome fit un enfant qui s’appela Paris ;
Et j’en parle la langue alors qu’assimilant
La France, et moi, et plus, elle fut barbarie.

Barbares du futur nous irons, amoureux,
Vivre d’étranges jours avec d’autres idoles !
Nous irons seriner dans leur langue et pour eux !
Ainsi soit-il. C’est l’éternelle farandole !

Fidélité pourtant du grand poète : Ô France,
Je chanterai ton sang jusqu’aux derniers rayons
Et ne tomberai pas sans vivre d’espérance
Pour l’honneur de ton jour et de ton Panthéon !

NAISSANCE DE MAÏA

Tu naquis sans pudeur de notre amour sans gêne :
Ce fut bref, foudroyant, fusant comme un orgasme.
La main de mon amour tenait si fort la mienne
Qu’à ton extase exacte, elle a frémit d’un spasme.

Bienvenue mon aimée tellement en amont !
Maïa d’une nuit pleine, en jouissant de naître,
Tu parus ! Et ton cri accorda nos poumons
Dans le gémissement de notre émotion d’être !

Maïa, tu dois ton nom au murmure d’aimer :
C’est notre baragouin, notre soupir sonore.
Pure onomatopée de passion animée,
C’est la langue pressée qui balbutie d’abord !

Maïa Maïa est née le jour de Saint-Louis,
Le frère est de la fête et nous sommes heureux !
C’est la saison, nous serons quatre ! Et réjouis,
Chantons ! La vie c’est mieux quand on est amoureux.

Pudique est le bonheur qui ne dévoile rien
De son secret lorsqu’il est dit, même en musique ;
C’est la rosée, la mousse et le nid aérien,
C’est l’eau qui baigne un corps rendu à la physique !

Je regarde à l’étoile agrandie de tes yeux
Tout ce cosmos en crise éclatant de colère
Et de constellations ! Comme c’est merveilleux
De voir aller ta joie, folle et spectaculaire !

En grandissant, tu prends grand soin de tes bébés :
Petite-Mère nourricière, impitoyable,
Prête à punir et consoler ! Ange de Bé,
Tu accrois notre ciel d’une vie impayable !

Tu vas, inattentive aux affaires pénibles,
Éveiller ton papa, disant : C’est le matin !
Il est l’heure d’aller ! Et je te suis. Tu es ma cible :
Il faut que je t’attrape, et tu cours au jardin !

C’est toute l’innocence aujourd’hui menacée ;
Où est l’oiseau qui vole ? Où sont les papillons ?
Tu ne pardonneras, Maïa, jamais assez
Qu’on massacre ta Terre où la vie est légion !

LEÇON AUX PRINCES

Il faut bien commencer :
Il y aura toujours des Princes.

*

Prince de circonstance,
Malgré tout ton mérite,
Ce mirage flatteur,
Te voici le premier par effet du hasard ;
Cela arrive à tous – parfois même aux meilleurs.

Face au danger qui se présente,
C’est tous les yeux tournés vers toi,
Mais c’est à toi d’en être digne !

Prends un papier et recopie :

Leçon numéro un :

Tu es supérieur en effet, puisque tu le dis et qu’ils l’admettent.

Leçon numéro deux :

Respecte tous les poings levés contre ta main ;
Ils ont raison.

Leçon numéro trois :

Attention :
Pour coucher un soleil, suffit de fermer l’œil.

Leçon numéro quatre :

La solitude des sommets,
Cette légende d’alpiniste,
Ne parle pas
Des oubliés dans l’éboulis
De ta glorieuse acrobatie.

Parle !
Ne dissimule rien.

Leçon numéro cinq :

Paradis du prêt-à-porter ;
Joie d’aller nu.

L’histoire du fardeau est fausse.

Leçon numéro six :

Prudence, puissant Prince !
Bien que des aînés surent
Faire du monde un autre,
Mieux accordé à leur idée,
Il fut si souvent rejeté.

C’est que le monde est habité.

Leçon numéro sept :

Chaque fois que ta scie coupe le bois d’autrui,
Demande à la forêt d’affiner tes outils.

Leçon numéro huit :

Ce qui soulève un cœur doit soulever ton corps.

Il faut que l’émotion reste un transport.

Leçon numéro neuf :

L’oiseau, même au plus haut,
N’oublie rien de son nid.

Leçon numéro dix :

Entre deux murs
Le couloir
N’est pas la voie à suivre.

EXPOSITION

Galerie d’art morbide où reposent mes Dieux.
C’est un effort à faire : il faut leur dire adieu.
Tout en nous est mortel et nous allons, vivants,
Raviver et souffler la flamme de leur vent !

Phares sans feu ! Éclaireurs d’art ! ah mes Poëtes !
Joueurs, qui font des pieds de nez au temps, trompettes !
Du vent ! Du balai le Beau ! Du balai le Laid !
Bêler comme des veaux, c’est beau ! Serpents ! Sornettes !
J’en suis ! Puisque avec vous, la vie n’en finit pas !

Entre ici, Troubadour ! Inaugure ma liste.
Clerc obscur et artiste éclairant, sans son chic
Tenant – par le bon bout ! le fil avant-gardiste,
Il faisait de tout bois des laisses héroïques !
L’heure était aux champions et au charme des gueux !
Il faut goûter cette chanson ! C’est clair, c’est peu.
C’est de la vie, jusqu’à la peste, au temps des rats.
L’abondance, en retour, engraisse un beau parleur :
L’heure est aux grammairiens, savants et carreleurs.
Marot aura des mots mais la phrase l’écrase :
La virgule ceinture, étrique et patatras.
La langue bien bâtie donna ses bateleurs :
Ronsard et du Bellay ! Défense et droits d’auteur.
Ils ont la pique assez pointue ! Lyrique ! Épique !
Passionnés par le gros barbelé, et la graisse
Antique de leurs fers, ils paraphent leurs bœufs !
Cela beugle si bien qu’on rame assez, après.
C’est le Saint Excrément : on faisait gras, Monsieur.
En parlant de Monsieur, voici Louis XIV !
Son Siècle, comme on dit, ne manque pas de force :
Garantir ? Arnold ? Martin ? Legrand ? Le Brun ?
La langue est raffinée et c’est les grosses huiles !
Gloire, quel bâtiment ! Il écarte les eaux !
Marcher dessus ? Folie ! Du plat, aplat, des pieds !
Mathématiques, c’est d’abord un art plastique !
Molière a du déni et Corneille était trop ;
Racine est mort, feuille tombée hors de saison.
Montaigne au bout relaie ! Pascal avait raison !
La Fontaine était sûre et la source était bonne !
C’est l’heure au caractère accompli du français !
La loi, le roi, ma foi ! Dieu que ça se dispute !
Langue de bœuf fouillie vite devenue pute !
Voltaire à terre avec son sceau rouspète un coup –
C’est du sérieux, rieux ou non et puis ainsi…
Révolution ! Tannée ! – puisqu’on aura ta peau !
Oripeaux ! Les cochons grognent toujours plus haut !
Dans la boue, embourbés tout debout comme un autre
Les Cygnes au long cou roucoulaient par couplets :
C’est Chénier, c’est Vigny, Lamartine et Musset ;
C’est la langue de l’eau, majestueuse et froide.
Paroles… mais moi, moi ! Parole, moi j’agis.
Hue à gogo ! Hue-da ! Des gros sabots ! Victoire !
L’Homme-Langue-Française a donné l’étalon
Imbattu, imbattable, en vers et en ivoire,
Victor Hugo, l’homme au poème fleuve et beau.
Un petit monstre admiratif était en feu
Et fumait d’impatience en se frottant les yeux.
C’est de l’air contre Hugo : l’Avide et le Goliath !
C’est Beau ! De l’air ! De l’air ! Ta poésie spartiate
Fait étouffer en bas ! Enfer ! Boire la lie
De poésie profonde et odorante – égout
Du meilleur goût ! Bravo, le frisson a du bon !
Descendu de ta race, un peuple mort – de bides
En bides ! par le bas, par la tare, Ô Caïds !
Deux siècles qu’on nous tanne à l’art raté :
L’élévation de puce et l’audace d’autruche.
Et on s’étonne que l’on baisse ? allons !
Douleur mise en sagesse et autres fleurs parfaites
Fit des petits, boutons et pustules surfaites !
Va, Maori génial, tes poteaux de couleur
Chantent fort faux ! Mais quel pus ! quelle bile !
Cela sent son cadavre et son agraire aigri.
Male horror ! Hysteria ! Le miroir ne dit rien –
Parlons mieux ! Couchez-vous, il faut s’abandonner.
Vers blancs navrants d’idées larvés comme des poux.
L’œuvre sera échevelée et pleine comme
Une femme ! Oh certains, stériles et sublimes,
Miment encore un peu les anciennes étoiles.
Tendresse aux survivants. Nous faisons ce qu’on peut.

C’est dit – et non compris : très heureux de m’en battre !
C’était sur de la langue un beau pâté de sable
À la mode moderne. À mes contents pour rien !

L’HOMME TOUJOURS DEVANT

Quelque chemin qu’on prenne,
Devant, tirant les rênes,
Il est là, éclairant
L’homme errant :
Il a vécu ce que je suis,
Il a vaincu ce que je vis.

Dans la jungle moderne où des lianes diffuses
S’enroulent à nos mains, nous allons en singeant !
Baladés d’une branche à l’autre l’on s’amuse
À s’accrocher, suivant ou Jésus ou Saint-Jean !
Toujours là par principe et où que nous allions :
L’homme auquel nous pensions ! c’est l’effet Pygmalion.
Le drapeau était là de toute éternité :
Nous avons le bonheur d’avoir à répéter !

Quelque chemin qu’on prenne,
Devant, tirant les rênes,
Il est là, éclairant
L’homme errant :
Il a vécu ce que je suis,
Il a vaincu ce que je vis.

L’homme toujours devant, et quelque soit son nom,
Nous offre un horizon lorsqu’il parle en savant,
Mais qu’a-t-il à nous dire ? Et qu’il parle, est-ce bon ?
Il semble avoir souffert, mais pensé peu souvent !
Est-ce qu’un père arrive à préparer un fils
A lui-même être un père ? Avec ce maléfice,
Nous n’avons rien à dire aux poursuivants de l’homme :
Faites mieux et pas moins. Au pire, faites comme !

Quelque chemin qu’on prenne,
Devant, tirant les rênes,
Il est là, éclairant
L’homme errant :
Il a vécu ce que je suis,
Il a vaincu ce que je vis.

*

Un jour, navré, j’aurai besoin d’aller devant :
C’est l’envolée, hors du cocon, et en avant !
J’irai comme eux et comme toi pour devenir
Le quelqu’un dont je sens qu’il frémit d’advenir.
Si tout allait, tranquille et beau, aux quatre coins,
Je resterai au nid à jouer du tsoin-tsoin ;
J’arrangerai les miens dans des portraits divins :
Bonheur d’être vivant sans rien qui ne soit vain.

Quelque chemin qu’on prenne,
Devant, tirant les rênes,
Tu es là, aveuglant
L’homme errant :
Tu as vécu ce que je vis,
As-tu vaincu ce que je suis ?

L’autre est loin du héros mais s’il nous en faut un,
Et puisqu’il se présente… Espérons l’opportun,
L’homme qui tombe au pic d’une situation,
Et qu’autrui investit commandant de l’action !

Prends ton courage en main et le cœur à l’ouvrage,
Tu seras ce nuage épuisant nos orages
Sur la terre infichue d’être belle et féconde
Pour labourer, pour nous, de ta sueur un monde !

L’homme poussé devant accepte et il déçoit.

L’homme poussé devant refuse et il s’assoit.

Brise net et contre eux montre ton dos farouche !
Pars vite ! Et pars avant qu’ils te ferment la bouche !
Devant, c’est l’horizon et l’ivresse du large !
Là-bas, tous les soleils qui nous éclairent chargent !

*

L’homme assis au rebord
Sourit et voit, rêvant,
L’homme poussé devant
Prêt à partir d’abord.

CHUTE D’ASSANGE

Assange, pour avoir dénoncer les abus
Du premier des pouvoirs fut jeté en exil ;
Mais la Terre est entière aux mains d’une tribu
Et l’errant, mal famé, ne trouva plus d’asile.

La femme – c’est biblique, abonnée aux serpents,
Fut lancée contre Assange afin qu’assez souillé,
Ce mâle blanc déchu, pris dans un guet-apens,
Soit comme un papillon cloué jusqu’à rouiller !

Gardé de jour comme de nuit par les agents
De ceux qui font la pluie dans leur bureau ovale,
Il est laissé pour mort car l’exemple est urgent :
Il faut que la couleuvre, et il faut qu’on l’avale !

La presse est sourde aux tintements de l’angelot :
Au diable tes conseils, sale oiseau de malheur !
Et la presse endiablée au rythme des salauds
Dansa avec la joie pipée de l’oiseleur.

C’est la torture à chaque pieu photographié ;
C’est rendre le Saint fou pour mieux faire une Croix
Sur le beau nom d’Assange ; aujourd’hui crucifié,
Ses mains blanches salies par un sang qui s’accroît.

Assange, à l’horizon de choir des cieux, publie
Le testament de ton soleil… qu’il nous éclaire !
Et qu’il donne naissance à la grande Ordalie,
Au ver sacrum de l’expiation spectaculaire !

*

L’homme est ce qu’on en fait ; certains en font un Ange.
Ce sont ces Messagers aux paroles pénibles ;
Remuant de leur ciel un peu de notre fange,
Ils mettent en lumière et ils sont pris pour cible.

C’est l’honneur d’Antigone illuminant leur front !
Omalu, Brockovitch, Franchon, Snowden, Meyer,
Et des millions, seuls contre tous, qui d’un clairon
Sonnent l’alarme à mort pour un monde meilleur !

C’est l’homme qui se bat pour contrer les Robots
Avant d’être client, irrémédiablement,
De ces Machineries préparant nos tombeaux
Et négociant notre âme à des prix infamants !

DES RUINES DE L’EUROPE

2005-2008.

Au peuple on proposa un traité pour l’Europe ;
Il fit : Non. […] Criminels, ils en firent un trope !

L’Europe est un charnier pour la énième fois.
On prie pour que quelqu’un nous hymne un peu de joie.

Fils de vieille, Ézéchiel, est appelé sur place
Où une épidémie ravage et tue et glace.
Fait d’os et d’eau par un microbe grabataire,
Il est prié de redonner du souffle à cette terre…
Et l’Ange désolé parmi les os souffrants
Se promène, touché, en nous considérant.

Le nuit tombe sur nous, mirage somptuaire,
Et le Poëte est là au cœur de l’ossuaire :
Une pâle omoplate, un pubis décharné,
Des fémurs, des tibias, des petits péronés,
Un bassin ciselé, un sternum, des rotules,
Des vertèbres brisées et une clavicule !

Ézéchiel pieusement s’agenouille au milieu
De ces ossements secs pour invoquer son Dieu.
Des cieux tremblants orage un éclair lumineux ;
Dieu inspire Ézéchiel dans ces âges ruineux :
« Prophétise ces os ! » Ainsi fit le Poëte,
En entrant avec eux en osmose parfaite.

Ensuite il rassembla les ossements épars,
Les lia de tissus, de nerfs, de ligaments
Et d’autres muscles plats. Les tendons sont bizarres ?
Il corrige et d’un trait raye toute la Grèce ;
Le Carpe diem ? Il l’opéra. C’est l’allemand :
II hume et ruse, à la clausus – et en espèces !
Du breton cubitus lingus et congestus :
Un joint et c’est fixé. Victoire ! …à la Pyrrhus.

Les yeux commotionnés d’une vive émotion,
Ézéchiel est heureux d’achever sa mission ;
Mais le corps aligné ne daigne pas bouger…
Ézéchiel interdit face au corps abimé
Prie alors son Seigneur pour le réanimer !

L’européen squelette a assez pour hanter :
Pas pour vivre. Effrayant Monstre à désenchanter,
Il erre sur le sol qu’il a su calciner…
La chair avait fondu aux feux des cheminées ;
Gazeux comme un fantôme et traînant son boulet,
Ce squelette grisé par son reflet dans l’onde
Dansait comme un damné dans les enfers profondes,
Convulsé d’un long rire affligeant de valet !

A la lumière, il fit comme toutes les ombres :
Dissipées, dissolues, à la lettre et en nombre.
Dessin d’ange animé, figure impopulaire,
Va au vent qui t’emporte et poussière, t’enterre !

RÉVOCATION

Pauvre Éris, renvoyée, dès que la Vénus vint.
Histoire éparpillée aux souffles de la vie,
En te tapant la cuisse et en buvant du vin,
Regarde-nous manger ta pomme de l’envie !

Vénus, sur mes genoux, pour que la vie exulte !
Déesse éclaboussée d’un père émasculé,
C’est entre Ciel et Terre, écume du tumulte,
Que tu donnas ton sang pour nos fertilités !

Couchée, Éris ! Tous tes soleils sont de carbone.
Nous rappelons nos chants à ta gloire hasardeux :
L’enfant rafflue – giclée d’espoir – nous deux – adieu !

Lève-toi ! Bel amour de Nature, à genoux,
Nous ronronnons dans ton cosmos en pauvres fous,
Mettant parfois la griffe à ta patte trop bonne !

*

Triste Sire, on se quitte : adieu, tu es perdu.
C’est la Bonne Nouvelle allant d’un peuple à l’autre :
L’homme en nous a parlé. La cause est entendue.
Nous sommes des millions de guerriers et d’apôtres !

L’homme succède à l’homme, espérant que l’enfant
Échappé de l’enclos ne lui reviendra pas :
Ne sois pas de moi-même un retour triomphant,
Cueille et foule la terre où fleurit mon trépas.

Nous regardons nos noms s’effacer sur le sable
De cette plage où nous marchions, vains et passables.
Nous regardons l’écume émoussée de nos âmes

Redessiner la plage aux allers de sa lame,
Vague du jour levée – apporte ton limon,
Et découvre ta terre en recouvrant nos noms !

*

Naître et admettre une défaite est révoltant :
Nous croyons en l’espèce et au bon sens du temps.
Tout recommence au tourbillon d’une naissance !
Puisque l’homme a fonction de lui donner du sens !

Tout ça c’est dire au papillon : allons, minute !
Et le clouer un peu sur le tableau des luttes !
En lui changeant une aile ou deux, il peut reprendre ;
C’est beau de regarder nos couleurs se répandre.

Germinations de Floréal sous les Soleils :
C’est la Tempête à chaque étage ! et ça essaime !
Tombe des nues ! Ruée énorme hors du sommeil !

La rue tient le matin dans des chants qu’il parsème !
Souffle cassant qui va de pylône en pylône,
Jusqu’à rouvrir son œil, Vent fortifié, Cyclone !

VENT DE BOUT

PRESSION ATMOSPHÉRIQUE

Cherche. Il pèse dans l’air. Il oppresse, il déprime,
Et il nous touche tous comme une belle rime !
Il est fort comme un Bosch, riche comme un Basquiat,
Profond comme un Rembrandt, vieux comme un séquoia !

Il est changeant et infini : il a toujours
Été. Cette abstraction exerce hors de nous-même
Toute une action extraterrestre, et l’homme court
En ravi de la crèche à la fin de lui-même !

C’est une masse, atmosphérique et chaude,
Une volée de bois qui toujours s’échafaude
Dans le vert de l’espoir qui merdoie les statues…

C’est l’air du Temps ! […] Et le problème est qu’il nous tue. […]
Il tourne en rond et à tel point qu’il accélère !
Changer d’air ! La solution est légendaire !

*

De quoi ce siècle est fait ? De l’air que l’on respire.
Nuage de buée dans un froid de plastique,
La pollution abonde et nous courrons au pire
Pour la première fois de notre histoire épique.

Qu’a ce siècle de grand, de beau ou de spécial ?
Il pense au pourcentage, il éprouve sans art ;
C’est un temps qui se chiffre un peu plus qu’il se parle :
Trois pour cent, deux degrés, un sur cinq, huit milliards.

De qui ce siècle est fait ? […] Et que font-ils encore ? […]
Comment juger d’un temps alors qu’il court toujours ?
Je parle au pifomètre, en parisien d’alors :
Comment jauger l’enfant des idoles du jour ?

Ce siècle est d’un spectacle affligeant à pleurer :
Dans le bal de sportifs entrepreneurs d’argent,
Danse au parterre une beauté, mais repliée
Dans la vie minuscule où vont de braves gens.

Nous sommes d’une espèce exemplaire, alors montre
Ta trempe d’être humain dont tu dis que tu es.
Faire son monde entier, réussissant son contre,
C’est l’exemple de vivre à donner à penser.

*

Mon fils, ma fille, à vous lecteurs, à mon prochain :
Quoi que tu sois, entre la bête et le machin,
Ange non advenu, tu m’as donné le goût
Et je t’ai fait éclore, alors marche debout !
Joie débordée de notre sang, comme un oiseau
Vivant pur dans son ciel et son nid de roseaux,
Tu traverses l’espace. […] Il ne fait pas de traces
A picorer la terre au profit de sa race.
Il piaille de purs chants au plus près du soleil
Et il vole, enjoué, dans un monde pareil.
C’est mon idéal d’homme et de société,
Ce prince des oiseaux chantant sa liberté.

CHANSON DE RUE

Mai 09.

Des professeurs là-bas dénoncent
Au porte-voix leur mise en bière
Comme toujours effets d’annonce
À la santé du Ministère
Lâche ta bière et les bons mots
Ne chante pas comme un griot

Poète là rétif aux foules
Est sur son banc distrait il roule
Fumant les paupières tirées
Il suit le bruit de loin puis très
Ailleurs il tombe à la rasade
Dans son domaine de parade

D’autres là-bas mieux équipés
Brisent la glace et les panneaux
Gloire au casseur émancipé
Jeune martyr des tribunaux
Seul pur et dur hors de la foire
Il sait comment on fait l’Histoire

Poète là est réveillé
Par tout un peuple déployé
Dans un parfum d’insurrection
Gavroche est beau il a raison
Poète court en successeur
De la lanterne des casseurs

Le lendemain sur les images
Poète est causeur de dommages
Et tous les fauteurs font la Une
Des grands journaux : Fausse Commune.

COUPS D’ÉCLAT

I

Le peuple est en colère et il a de la poigne :
Jupiter, redescends ! Ici c’est la misère !
Contre Macron, toute la France est en campagne :
Du rond-point de Cannet au port de Saint-Nazaire,
C’est le grand défilé fluo des Gilets Jaunes !

D’un mauvais œil, Macron regarde ce cyclone :
Qui sont ces gens ? Ça pue la clope et le gasoil.
C’est rien. Des péquenauds. Des beaufs. Des camionneurs.
Des petits employés descendus de leur Toile,
Des édentés, des galériens, des chicaneurs.

Mais aux ronds-points, l’esprit s’échauffe autour du poêle :
Ils nous la mettent à l’amende ! Et on dit rien ?
Ils font la pluie et le beau temps, et on régale !
Les gens, nos ennemis sont communs ! On retient.
Fraternité d’Hivers dans la nuit des étoiles.

Enfants des Deux cents ans de la Révolution,
Renouons en chantant et poursuivons la lutte !
Nous irons sur les Champs proclamer notre action.
« Penser printemps ? » C’est fait. Il fleurit à ta chute !
C’est l’heure de l’Histoire – et ta Révocation.

II

À ces chiens défendant la parole du Maître :
Est-ce par lâcheté ou pour l’amour d’en être ?
Volupté de l’esclave à tenir leur crachoir ?
Quel honneur à lécher les bottes du pouvoir ?

Et suspendus à nos ronds-points, ils vous klaxonnent !
On dit : Attend, descends, parle un peu, dis-nous tout.
On monte un monde ensemble, on te met dans le coup ?
L’autre jappe soudain : son téléphone sonne.

Ces chiens de journaleux aboyaient en bavant.
Banlieue Verte levée, avec son cul terreux
Rappelle à Pôle et Banlieue Rouge un morceau d’eux !
Monsieur, ma vie ! j’ai vu des Blancs taper des Blancs !

Viens, petit rapporteur ! viens simplement tester !
Monsieur l’Agent, par où peut-on manifester ?
Quand tu seras cerclé, ils sonneront les cloches :
Ça tire à vue et au hasard dans la caboche.

Tu es touché ! Et dans un rêve humanitaire,
Tu t’écoutes parler et chaque commentaire
Te blesse et te réveille à l’horreur de tes feux !
C’est l’ironie du sot lorsqu’il est périlleux.

« Cache-œil pirate et criminel ! Retour de flamme !
C’est mérité ! Il n’a qu’à pas ! Dans la réclame,
Ils ont dit que ! […] » Gratteur, viens par ici que je t’allume !
C’est la langue coupée, le goudron et les plumes !

III

Et toi, le Prince errant entre deux arrêtés :
Qu’ils viennent me chercher ! disais-tu, l’autre été,
Ivre de ton pouvoir, défendant Benalla ;
L’Hélicoptère attend. Tu ne seras pas là.

Ton pouvoir est nerveux et d’un long bras qui tremble
Il ne brasse plus rien qu’un grain qui nous rassemble !
Et en tombant des nues tu réponds d’un éclair
Et tu tires, parbleu, de moins en moins en l’air !

Nous les affreux jojos, les gaulois réfractaires,
Nous avons à parler et nous te ferons taire.
Dans les salons, cela étonne et, irrités,
Ils corrigent le tout et déforment le trait.

Ils nous prennent de haut et déversent leur boue !
Nous sommes le grand nombre et joindre les deux bouts
C’est faire un peu sauter le tableau de ces ânes :
Nous les surlignons au fluo, et ils pavanent !

Pour un ou deux chantant, on a combien de flûte ?
Ne cherchez pas ailleurs les raisons de la lutte.
Il faut, pour obéir, éprouver du respect :
Si vous perdez la face, on ferme vos clapets.

Nous les bêtes de clercs à bâter pour le gain,
nes de manuel baragouinant, sanguins,
On tire au sort et on s’y tient ! Tu es foutu.
C’est pas pour dire : on sait que l’âne, il est têtu.

Police d’instinct jaune appâté par le gain,
Tu défoules ta joie en nous prenant la main.
Ils étaient préparés à aller jusque là
Et nous allions chantant dire qu’on était là ?

Des coups d’éclat dans l’œil, mais revenir demain !
C’est un jeu de vilains que d’en venir aux mains,
Mais il est l’heure, allons mon œil, au coup d’État !
C’est œil pour œil mais du bonheur en sourira.

On a le sens de nos portées : c’est pour Demain.
C’est un jeu de vilains que d’en venir aux mains
Mais il en va de notre faim, qui fleurira !
C’est dent pour dent mais du bonheur en sourira !

VERSETS PÉRIPHÉRIQUES

À quelques lieues des bancs moqueurs des Assemblées
Vivent des vies livrées à l’arbitraire de la Loi,
Jungle d’un Dieu croissant sous le soleil noir de la Haine.
Des faubourgs ouvriers de la Bièvre à l’enfer de Nanterre,
Ville, ta prédation embourbe tout un peuple dans ta frange
Et laisse ruisseler le sel de tes ordures jusqu’ici.
J’enseigne ici. J’ai coulé de Paris après être monté
En paysan. État, j’ai pour métier de te servir
Et ne le ferai pas. Tu broies et tu bâtis ta boue pour toi.
Ton Montparnasse ose toiser nos Tours Lettrés !
Grand fou ! Pas de quartier dans ce royaume de tes morts !
Moi j’apprends à gueuler, pour t’éclater, dans la langue d’Hugo !
Ceinture rouge de Paris, je leur fais la leçon –
Serrée comme un Shonen, et je leur parle : « Alors, roi des pirates ?
Dans cet acier échafaudé pour t’asphyxier, Barre d’Immeuble,
Ton souffle est à profit et ta souffrance est tue ?
Cités-jardins, ghettos ! Et par la loi, bouches cousues sur le goudron. »
La matraque est donnée sans rire et la pression s’exerce.
« Sport, musique, art plastique : il me faut des bouffons.
Envoie-les moi à l’Élysée s’ils sont plus chiens que les souchiens ! »
Et la planche à billets envole tout un monde humilié !
Le baume au cœur est électrique. Amis ! à coup de triques,
Ils aiment bien châtier ! qui aime bien ? Assez ! Grand corps du Roi,
Malade de calculs, fais-toi dessus et avachi,
Meurs dans le bruit de tes odeurs et la fureur de tes enfants !
Je suis le Kärcher de l’amour, le professeur dans la Cité ;
Dans l’égo trip de ma candeur, je bats des pieds, botté,
Le rythme pop de ma chanson : un p’tit wrap, bien enrobé, comme un Booba,
Dans la faiblesse répétée de l’assonance de ta laisse, Duc.
C’est mon métier, Boulogne, et je corrige en rouge :
Faut battre le fer quand il est chaud, abattre le frère quand il est faux.
La loi est dure, on la durcit. Ici ordure, t’es en sursis.
Mauvaise herbe, chiendent ! Mauvais homme, sans dent ! Putain, à toi,
Mère d’un môme, amie d’une âme, enfant de Dieu, oh mon collègue,
Ta bouche est source d’une bouche et à l’oreille de quelqu’un
Elle redresse, ou elle ploie. Et qu’est-ce qu’on projette, alors
Sur l’écran de leurs yeux ? Tuteur ! Donne de l’ombre à leurs lumières !

Ô RONDS-POINTS !

Vous étiez la laideur des provinces de France,
Boutons sur quoi l’on bute au milieu de l’errance,
Couronnes de goudron, écrins d’un édicule
Parachevant le laid d’un charme ridicule ;
Vous coûtiez cher pour être là ! Couchés,
Sans vie, sans intérêt autre que réguler
La vie qui se promène, afin que ça circule.

Vous voilà à la proue, piliers sacrés du chœur !
Et debout de partout vous ouvrez votre cœur !
Ô Ronds-points palpitants ! Cabanes ! Saintes Îles
Hors du flot du trafic qui vous klaxonne ! – Asiles !
Basiliques d’un peuple en lutte solidaire,
Vous êtes le péage où mettent pied à terre
Les bourgeois persifleurs et leurs gardes mobiles.

Français de souche et d’expansion, Ô Giratoire !
Tu avais dans ton coin honte de ton histoire.
Jaune comme l’étoile et comme le Soleil,
Tu brillas ! sacrifiant et ton temps et ta paye
Pour crever le malaise injuste et mercenaire !
Et tu marchas d’un pas de révolutionnaire
Jusqu’à Paris, qui te punit et te surveille…

Jusqu’à Paris, Enfants de la Place Étoilée !
Pour faire front, déçus, furieux et mutilés,
Vous alliez en chantant sous la boue et les balles,
Saturnales gazées par un procès verbal !
Ô Saccage ! Et pourtant, protégeant l’Inconnu,
Vous teniez bons, prostrés, sous leur pluie soutenue,
Triomphant en soldats de l’ignoble cabale !

Vous étiez la laideur des provinces de France,
Et vous voilà porteurs affranchis d’espérance !
Bâtissant de tout bois toute une féerie
Dont le foyer mouline au grand vent de l’esprit !
Hercules de campagne aux mains avec Cassandre !
Déployant, jaune et fier, le maillot des méandres,
Vous défendez la zone et vous défiez Paris !

LOUIS FACE À LA LOI

27 Octobre 2019.

J’allais au parc avec Louis, Maïa, heureux
D’aller voir les canards remuer dans l’étang,
De parler au héron au regard inquiétant
Et de jouer sous l’arbre aux parterres ombreux.

Louis aime la graine écrasée de platane :
Il dessine en riant des lions, des éléphants,
Puis d’un pied les chassant, il bondit, triomphant,
Pour courir en criant la poule d’eau qui flâne.

Maïa froisse les fleurs et glane des cailloux,
Du petit bois, de l’herbe et dans sa poche amasse
Un trésor au hasard de ses moissons cocasses ;
Et courant, elle tinte avec un air voyou.

Jamais sans un bâton, j’erre joyeusement,
Dans cette singerie de la forêt profonde
Où tout est pénétré d’une terre féconde
Et vivace la graine engendre abondamment.

Pour aller à ce parc, il n’y a qu’un chemin :
Un tunnel d’ombre et de lumière artificielle
Dans le boucan d’un train et l’absence du ciel –
Et nous le traversons. Ils me tiennent la main.

Nous n’irons pas au parc. La police barrait
L’entrée. Sombres gardiens armés, encagoulés
Par la bise d’automne aux lèvres défoulées,
Ils encadraient un peuple et l’encadrait de près.

Trois cents manifestants chantaient. Malgré l’escorte,
Ils brillaient sur fond noir comme un soleil la nuit !
Dansant pour que Demain ne soit pas à Minuit
Comme un conte d’antan tombé des feuilles mortes !

Trois cents agents, robots de Majesté, paradent,
Faisant marche forcée d’un troupeau de bagnards
Sous un soleil cuisant. Leurs muscles en Kevlar
Luisent d’acier, de caoutchouc. Ils pétaradent !

Louis regarde avec effroi. Je m’accroupis.
Je prends sur moi Maïa et son doudou baleine ;
Maïa ignore tout, elle commence à peine.
Louis alors me dit : « Keski se passe ici ? »

Il a trois ans, il ne sait pas la politique ;
J’essaie de faire simple et j’essaie d’être droit :
« Ils manifestent dans la rue contre une Loi. »
Il ne sait pas ce mot, il l’apprend en pratique.

Un CRS eut un sourire américain
Pour le boy effrayé dans les pieds de son père.
Un sourire vainqueur, vaniteux et vipère :
Nous sommes les gentils, nous sommes pour ton bien.

Une du mouvement, faufilée jusqu’à nous,
Me sourit vite fait et parle à mon gamin
De si près qu’il a peur et qu’elle prend sa main
Et lui dit doucement qu’elle fait ça pour nous.

Pour l’avenir de tous ! Et mon cœur avec eux,
Compagnons enchantés de la Loi qui s’écrit,
J’ai l’honneur d’avec vous aller battre Paris,
Partisans du bonheur et de nos jours heureux !

Nous n’irons pas au parc, mais chez le commerçant,
Tandis qu’il blague fort la marche, en bon bourgeois,
Je plante ma saillie en lui disant ma joie
Que la rue chante, et il maugrée en grimaçant.

Et lorsque nous rentrons, moi avec mon poulet,
Et Maïa son doudou, Louis dit à sa mère :
« On a croisé la Loi ! » puis faisant moins le fier :
« Ça faisait peur. Papa a préféré rentrer. »

LES HÉROÏQUES

« Vous marchez d’une force à laquelle j’incline »

J’entends partout : moins de paroles et plus d’actes !
En voulais-tu, qu’en voilà plein ! Le samedi,
Mets la télé sur le canal des tragédies !
Regarde-nous tomber, nous la masse au contact !

L’Acte I fixe un souffle, un décor, des visages
Et je prendrai des noms exclus du paysage
Au hasard de la France : Amiens, Rouvray, Aimargues,
Rochefort, Montpellier – et Paris qui les nargue !
Le fond de l’air est rouge et réclame son or :
Ils parlent à Macron et Macron les ignore.

Acte II murmuré. Politesse échangée,
C’est le roman d’amour d’amitiés enragées !
Peuple entre en scène, en nombre ! Et ils s’entendent bien !
Où ira notre France et notre ange gardien ?
La fin est déchirante et nous avons pleuré,
Car haïr au soupçon a de quoi écœurer.

Acte III : la Défense a lâché tous ses chiens.
Macron ne répond pas d’homme à homme de bien ;
Il préfère aboyer en LBD furieuses.
C’est ici qu’on rappelle aux tirades fameuses
Où la vertu éclate en dévoilant son vice.

Acte IV est poignant : Macron serre la vis,
Mais le peuple est vilain et lui serre la main.
Ce sera menotté qu’il finira, Demain.
C’est le feu retenu du coup de Revolver :
Suspens feutré dans un Western de fait divers.

Acte V au violon, braves gens, l’âme en miettes,
Viens picorer ! Rien dans le ventre et dans l’assiette !
Dans un mois, dans un an, s’offrir dans ce combat
Pour la fin assurée de tous les grands débats !
Le sommet de la lutte : aller à corps perdu !

J’entends partout : moins de paroles et plus d’actes !
En voulais-tu, qu’en voilà plein ! Le samedi,
Mets la télé sur le canal des tragédies !
Regarde-nous tomber, nous la masse au contact !


Anniversaire farce, un an après, Macron,
En aimais-tu, qu’il remet ça ! Tout ce qu’il dit
Nous coûte un pognon fou pour une comédie !
Regarde, droit devant ! Comprends qu’on est marron.

Acte I est léger. Mais on est sur les rails,
Et c’est encore un peu de la France au travail
Qui suit le mouvement : avocats, infirmières,
Professeurs, transporteurs, médecins et notaires…
C’est le bal des bourgeois sous le fouet des dresseurs !
On leur prescrit aussi un régime minceur.

Acte II est plus gras. D’ailleurs, ça rit à balles !
Le dessin est moins fin mais c’est un tel scandale.
C’est la scène clichée : l’Aveugle fait l’aumône…
En trois coups de bâton il fait rire plus jaune !
Macron, parle à ma canne ! Et d’un air jacobin :
De ta langue de bois, nous ferons des Robin !

Acte III : on attend. L’humour est retardé.
Bras conspués, des « aux secours » et sans tarder !
Hôpitaux surchargés ! Des années qu’ils alertent !
Notre-Dame est en feu ! Des années qu’ils alertent !
Et pour toi l’occasion, Ô Larron. On attend.
Ta mécanique huilée d’un sourire éclatant.

Anniversaire farce, un an après, Macron,
En aimais-tu, qu’il remet ça ! Tout ce qu’il dit
Nous coûte un pognon fou pour une comédie !
Regarde, droit devant ! Comprends qu’on est marron.


C’est l’ironie du drame éternel de la vie,
C’est grotesque et absurde et c’est ici la mort,
Mon Prince, de ta race. Et nous avons servi !
J’aimerais qu’avec moi tout un peuple t’honore.

Demain vivants parce que des bras nous ont fait vivre,
De la main qui nous soigne à la main qui nous livre.
Tous les corps méprisés sont rappelés à l’aide :
Il nous faut des héros, il nous faut un remède.
Tout le monde chez soi, que personne ne bouge !
Et capable de tout au moindre bonnet rouge,
Macron-de-cuir luisant, pour tenir son contrat,
Nous rédige des lois de rencontre et d’ultra !

Peuple sous-équipé par décrets successifs
Monte pourtant au front comme un brave, pensif,
Il pense que demain, on pourrait, tout de même…
Macron l’arrête net et débite un poème.
Il est très prosaïque : il préfère l’argent.
Comment de ce merdier obtenir un bon prix ?
Voyant de sa fenêtre usiner tous ses gens,
Il nous sourit. Mais ne crois pas qu’il ait compris.

C’est l’ironie du drame éternel de la vie,
C’est grotesque et absurde et c’est ainsi sur Terre.
Mon Prince, c’est la fin de la race asservie !
J’aimerais qu’avec moi tout un peuple t’enterre !

PEUPLE

à un ami

Peuple, le mot est faible et la chose est immense !
C’est un mot qui se chante et un mot qui se pense.
Comme pauvre le peuple a rien qui rime avec.
Il est d’un trait – avec un feu tremblant et sec.
Et cet exaspérant article défini…
C’est grâce à lui qu’Hugo passe un baume infini
Sur tous ceux dont il parle et tout ce qu’il écrit.
L’article fait le peuple : il l’enfante d’un cri !

Toi qui parle de haut et souvent en mon nom,
Redescends mon ami, et loin de tes canons
Regarde bien comment réellement nous sommes !
Aime-nous comme un fils, parle-nous comme un homme.
Nous qui vivons tout comme, on a du mal à dire ;
Mais ton Babel idiot tend à nous refroidir.
C’est un poème un peuple, avec de la chaleur,
C’est de la vie jaillie d’une grande douleur !

Peuple dès qu’on le dit, tous frères d’une lutte,
Marchons ! comme le dit la chanson de leur chute :
C’est notre sang impur contre leur argent sale !
Pour la terre qu’on foule et dont l’enfant hérite…
Élites de papier et gratteurs de mérite,
Justice est notre nom. Nous allons t’attaquer.
Nous sommes de l’argile et tu es colossal….
Justice est notre nom. Nous allons t’attaquer.
L’heure est au coup de tête ! – et Zidane a marqué !

*

[…]

*

Puisque les scélérats gouvernent le navire,
Puisqu’il prend l’eau, puisqu’elle empire et qu’ils s’attachent
Bravaches à leur mât malgré la mort en mire,
Quittez tout, souquez ferme, allez-vous-en ! Les lâches
Ne prennent pas la mer. Marins, prenez le large !

Puisque les scélérats gueulent à l’abordage,
Puisqu’ils nous prennent tout, on empire, on s’attaque
Bravaches à leurs mâts malgré la mort en mire,
Battons-nous, soyons ferme ! Et dégage, on arrive,
Comme un peuple agrandi d’une joie capitaine !

MACRON A PEUR (CHANSON)

8 Décembre 2018.

Tu fus fais comme un rat
Ce jour où tu pris peur.
Macron, rappelle-toi
Toute ta vie cette heure !

Ah ! Ça ira, ça ira

Macron parle, il est jaune.
Il tremble et déblatère :
Qu’est-ce c’est, cette faune ?
Il attend, il se terre.

Ah ! Ça ira, ça ira

Il paraît que ces rats
Surgiront des égouts !
Il se palpe le bras
Hérissé de dégoût.

Ah ! Ça ira, ça ira

C’est l’effroi, Président,
Et tu claques des dents.
C’est l’éléphant qui crie
Sa peur à la souris.

Ah ! Ça ira, ça ira

Descends au cabanon
Dont tu portes le nom,
Pauvre fou, Jupiter…
Replie-toi au Bunker.

Ah ! Ça ira, ça ira

Trois cents mètres carrés
D’une moquette bleue,
Un paradis doré
Pour un sauve-qui-peut !

Ah ! Ça ira, ça ira

Dans ta cage de fer,
On mettra de la paille.
Bienvenue dans l’enfer
Moderne du travail !

Ah ! Ça ira, ça ira

Tu feras l’otarie
Pour le passant qui rit !
Tu riras comme nous,
Ça ira entre nous !

Ah ! Ça ira, ça ira

INTERSAISON DE NUIT

La promesse du Soir éclaire ma journée ;
Belle comme un congé lorsque j’ouvre la porte
De notre aire de joie où nous faisons en sorte
Loin de nos temps contraints d’enfin s’abandonner…
Comme la feuille morte au lit chaud de l’Automne,
Défoulons la féline étreinte de nos corps,
Et entre chien et loup, amour, aimons encore !
L’héroïque fatigue a des folies gloutonnes :
Baisers baillant comme ton con idolâtré !

Minuit passé d’une heure et j’écris, pénétré
Du plaisir à te rendre, âme sœur de ma foi !
Torse nu dans le froid enfumé de ma chambre,
Je respire l’Hiver et son parfum de cendres.
Un pleur à peine trouble et je surgis en bas
Consoler mon enfant d’un cauchemar qu’il a.
Je retourne là-haut dormir auprès de toi,
Tête pleine d’un rêve où tout le monde est là,
Jusqu’à ce que le jour me relève à leur joie !

HYVER SACRUM

À JOUER COMME ÇA

À jouer comme ça et heureux comme tout,
Donnant une impression d’éternité tranquille,
L’enfant rappelle l’homme aux mots de l’Évangile :
C’est par amour du Fils que le Père est debout.

Maïa qui court, avec en main un bibelot –
Elle le cache – Il est caché ! – C’est rigolo !
Et Louis rit si fort qu’elle singe un sanglot :
– Tu ne ris pas ! – Il ne rit plus – C’est rigolo !

Louis dit qu’il lui faut pour compter jusqu’à mille
Beaucoup plus que dix doigts et de ses mains, habile,
Il trie ses animaux en faisant des familles,
Avec des morts pour rire et des liens imbéciles.

Maïa, lumière drôle à regarder briller –
Elle est l’oiseau dans ce qu’il a de gazouillé :
C’est la faim qui pépie et le bec tout mouillé.
C’est la nature habile à se dépatouiller.

Il est le petit singe élevé par la Fable :
Perché, pour pas un chat, botté comme un beau diable,
Malin, il affabule ! Et d’un rire impayable
Il nous livre la clef de son monde incroyable !

Maïa pince Louis qui a poussé Maïa ;
Maïa qui disait oui ; Louis qui disait non,
Et la crise, et les pleurs ! Pleurs feints et pleurs profonds,
Tous ces pleurs qui en sont et ceux qui n’en sont pas !

C’est la rançon de croître ! Aux parents – bonnes fées,
Dont le bonheur dépend de leurs progénitures,
Et par ce biais sublime éployant leur nature,
Ils s’attachent au pleur et à ce qui l’a fait.

A dormir en ayant comme ça fait le fou,
Donnant une impression d’éternité tranquille,
L’enfant rappelle l’homme aux mots de l’Évangile :
C’est par amour du Fils que le Père est debout.

DÉMISSION

« Vous, une si belle âme en un monde si laid ? »
Verlaine.

J’étais, je me suis cru, un professeur de France.
Je pensais pour quinze ans assurer ma mission
Et retourner ensuite à mes propres errances.
Voici, après cinq ans, signée, ma démission.

I

J’avais à prendre soin d’un peu plus que de moi ;
Mon amour étendu, fortifié par leur foi,
Me fit passer d’enfant à homme et citoyen :
Je serai professeur et je le ferai bien.

A choisir un métier, puisque je le pouvais,
J’en ai pris un d’honnête et d’utile à mon sens :
Donner à la jeunesse en dehors d’un Brevet
De quoi s’élever libre hors de l’adolescence.

J’en toucherais bien un, ou deux, des insensés
Qui trouveront en moi la clef de leurs pensées !

Tout comme je crânais moi-même dans mon coin,
À briller par effroi et à serrer les poings,
Élève au niveau vague et au grand potentiel,
Ce jour où par hasard, quelqu’un m’ouvrit un ciel :

C’est Madame Caucal punissant, ingénue,
Le voyou de devant que j’étais devenu,
En faisant de mon monde enfermé un poète !
J’apprenais, et les vers me montaient à la tête !

J’irai à la hussarde armer mon régiment !
Bouteiller bagarreur, Onizuka clément.

Adolescent, on croit essuyer des orages,
Mais d’un éclair à l’autre arrivent les tempêtes,
Ces moments décisifs qui font l’esprit et l’âge !
Et tout ce qui nous touche à la fin rend poète !

II

Le diplôme ne fut qu’une formalité,
Avec son lot, désespérant, d’absurdités.
Écrire est arrêté, figé comme un fossile,
Car je suis missionné aux quartiers difficiles.

J’enseigne le Français, les lettres, la pensée !
Nature à fleur de peau que j’aime ensemencer,
J’entraîne avec talent, pris dans mes conférences,
Les esprits bourgeonnant des enfants de la France.

La langue est une terre infinie et fertile :
Tout labour est parlant et la nature en fête
Dans des gerbes de fleurs profondes et futiles
Cherche le rythme juste et la pensée parfaite.

Plaisir moindre qu’écrire, il me faut l’avouer.
Lorsque je courus loin de l’antique cambrousse,
J’avais des poésies débordant de ma trousse :
Je prétendais ! Orgueil de jeune homme doué.

Par réverbération d’un Paris de lanternes,
J’imaginais l’accueil réservé au Poëte !
J’étais jeune et brillant, j’étais beau et moderne.
Où sont les vers et les chansons ? Où sont les fêtes ?

Rien de semblable à l’arrivée de mon génie.
La poésie n’est plus. La peinture a jauni.
J’écrirai au tableau de défendre la Vie,
Pour transmettre ma foi et enseigner l’envie !

III

Ma première rentrée ? Nous étions sans Ministre.
Ce présage léger déclare le sinistre.

Les bonheurs ? Je les garde, et je parle de Toi :
Institution, bouche cousue, langue de bois.

Un Collège et un an suffirent à saisir
L’ampleur de ton mépris et de ton bon plaisir.

Sous la pluie des Décrets, dans la boue de tes Lois,
Nos douleurs enterrées, car on croit en l’exploit.

Enfin tu fus, Macron, l’attendue quintessence :
Et en puisant plus bas, tu épuisas le sens.

J’accuse ici l’État de tuer sans dépit
Le futur de la France à l’autel du profit.

J’accuse ici l’Éducation d’être passée
D’entraîneuse d’élite aux pauvres à placer.

Le mensonge est constant et tu parles, content
Qu’on ne le puisse plus, ignoble Charlatan !

J’accuse ton désir d’automatisation ;
Tu aimerais, rapace, une atomisation.

C’est maintenir l’enfant du travailleur gardé
Pour s’assurer d’en faire un esclave attardé.

L’échec est lucratif pour qui a des actions
Et la moindre échappée est toujours sous caution.

C’est un fait scientifique ! Une fiction énorme !
C’est ainsi que l’on fait du certifié conforme.

Tes robots ne feront jamais bien ce boulot :
C’est de l’amour filé jusqu’au bout du rouleau !

Si c’est ton prix, État, traître aux vœux de l’Histoire,
Que nul ne collabore au fer de tes mâchoires !

*

Monsieur le Président, après cette chanson,
Je me rendrai dans ton bureau élyséen
Comme une âme navrée mais en bon citoyen ;
Et en mon nom, je signerai ma démission.

J’aurais le souffle court du déserteur – regrets
De n’avoir su fournir à ta faux des progrès.
Même nu comme un vers dans cette guerre infâme,
Et même abandonné par des gradés odieux,
J’aurais aimé, même à moi seul, nourrir la flamme,
Et changer ton système en en faisant un mieux !

Monsieur le Président, je n’ai pas pu le faire.
J’ai ma petite idée maintenant de pourquoi
Et je pointe du doigt la bêtise du roi –
Et l’organisation calculée de l’affaire.

J’entre dans ton bureau. Je craignais ton regard
Et tu fermes les yeux. L’ironie est suprême.
Je parle sans détour et ton œil louche, hagard,
M’ignore. Alors, frappé, par ta réponse extrême,

Je brise ta figure, – et j’entends que tu casses !
Tout ton simili-marbre envolée aux éclats.
Tends l’autre joue, Macron, c’est pour la dédicace !
Nous t’entendions si creux ; tu n’es même pas là.

Je prends sur ton bureau un papier poussiéreux.
Je le relis trois fois. Signée, la Démission
De l’État-Providence, avec dessus ton nom,
Et d’autres avant toi, corrompus, et fiévreux
Je froisse le papier et je serre le poing :
C’est la lutte finale et on lui met un point.

Monsieur le Président, après cette chanson,
Je me rendrai dans ton bureau élyséen
Comme une âme navrée mais en bon citoyen ;
Et en leur nom, je signerai ta démission.

ANACHRONIQUES

Le parfum d’un grand Bug ouvrit le millénaire
Mais ce n’était alors qu’un problème de date.
Festifs nous commencions, et sans en avoir l’air
Nous allions droit au mur en esthètes spartiates.

Le souvenir parfois est précis comme un tout.
Ma mère m’annonça quelque chose de grave :
Des Tours étaient tombées. C’est à sa voix, surtout,
Que je sentis le drame – à ce ton qui l’aggrave.

Le pétrole expirant, le désert fut soufflé.
Et chez nous, l’Euro fort de ses billets sans âme !
Presque heureux de jouir d’un pareil camouflé,
Nous donnons au FN et bientôt à ses Dames.

Il fait chaud. Mamie goutte et les perles au front
Avivent la précieuse adolescente en elle.
Il fait chaud. Nous jouons aux cartes en chansons,
Et nous parlons de Dieu comme des coccinelles !

C’était quelque part loin et c’est pourtant frappant :
Tsunami monstrueux de gigantesques flots !
Nous surfons sur FB en suivant le courant,
Pour des amis aimant à se mirer dans l’eau.

Non à l’Europe, aux lycéens, aux banlieusards,
Non à Kyoto, à EDF et à Outreau…
Et oui aux 3 % ! Ce n’est pas par hasard
Si le peuple a commis cette erreur de bistrot.

C’est beau. Sur la pelouse, un ange dribble et passe.
Un front de mer en sueur et du soleil aux pieds,
Des gestes de génie ! que Zidane trépasse,
Si je faiblis à dire un peu cette beauté !

Sarkozy sur le champ aima tâter le blé.
C’est gai de moissonner quand c’est fait à la fauche !
Et par ici le pain ! Il aime s’attabler
Pour plaisanter avec son vieux voisin de gauche.

L’argent n’est même plus un papier : il fait pschitt.
Poupées russes vidées dans un grand démontage
Mais rempaillées, avec amour, et reconduites !
Les pauvres ont raison, mais gardons l’avantage.

Toute la Guadeloupe en Grève Générale ?
Sarkozy, occupé, est sourd au LKP,
Abandonnant son peuple à l’incurie totale
Tout en les empêchant même d’y échapper !

Une grippe bénigne et déjà à genoux,
L’État s’en remettait à l’Idole privé.
Madame Bettencourt a de belles nounous,
C’est quelle odeur, au fait, qui les a motivées ?

C’est Fillon doux, à l’huile, et de ricin malade.
C’est plan sur plan, Rigueur oblige est en Croisade !
L’Irréductible, au Sofitel – chacun sa ZAD,
Attend, fort mal instruit, Shéhérazade.

Pays bas de plafond réélit la chanson :
Non à Kyoto, mais 3 % quand vous voulez !
Et le peuple au bistrot humilié pour son Non ;
A force de traités, le pauvre est blackboulé.

Cahuzac, un symbole : entre hommes du Budget,
D’une part d’ombre à l’autre, on se serre les coudes.
Justice, accoutumée, déclare sans objet
La prison pour ce cas digne de Hollywood.

Dieudonné interdit de faire un numéro ;
La traque a aboutit, la copie est rendue :
Le Ministre a noté et il a mis zéro.
Charlie est bon élève et Dieudo est vendu.

L’attentat est brutal, et il est redoublé !
C’est le choc annoncé. Et tout le monde oublie
Que l’accord de Paris, est né et mort d’emblée,
Comme Kyoto, sous nos dégâts enseveli !

Place aux jeunes Debout toute la Nuit durant,
A l’enfant qui va naître et Macron président,
Place à la femme en jaune et au blanc qui comprend
Ce que le noir doit à la nuit lorsqu’il se rend…

APRÈS

« Enfant je t’ai donné ce que j’avais travaille »
Apollinaire.

C’est le gros mot de la saison des confinés,
Dans ce présent permis par des bras débinés
Jadis, par les médias et leurs grossiers mensonges.
« Après » est disserté par la crise et le songe.

Mais il existe tant dans la conversation
Que ce fait dit beaucoup de la réputation
De maintenant… Pourtant, c’est contre toute attente
« Avant » qui nous revient et bientôt nous contente !

Combien de gouttes d’eau pour une coupe pleine ?
Combien d’amours flétris pour fleurir une haine ?
« Après » est le refrain qui sur toutes les lèvres
Leur donne de l’éclat en leur filant la fièvre !

Si mon « Après » m’était conté… Je ne nie pas la joie
De saisir l’occasion de repenser nos choix ;
Pensons au moins un monde où tout cela n’est plus,
Cherchons la cause et l’essentiel du superflu.

Après, il faudra pendre, un peu. Un bon procès
Est un spectacle utile. Et nous savons l’excès ;
Nous ferons sobrement. Sais-tu combien la Loi
Est dure quelquefois, quand ça s’applique à toi ?

Après, c’est l’escargot dans l’horreur de sa bave.
Mais à l’abri dans le cocon de nos coquilles
On saura bien, modeste et doux, vivre tranquille
Sans donner au cocon l’allure d’une cave.

Après nous rouvrirons, nomades, nos maisons
Pour aller, vagabonds, au vent de la beauté !
C’est la chauve Vénus délivrée de prison
Et couchant sous un ciel à la belle étoilée !

Après plusieurs millions d’années à élever
Des dieux pour te singer, Soleil universel,
Nous te rendons tes feux – et partis pour rêver,
Nous allons réfléchir à choquer l’étincelle !

Nature entre nos mains, Après, nous formerons
Le respect consenti à ton plus pur bourgeon !
Ton expansion givrée est notre sacerdoce,
Pangolin d’Univers au corps d’écaille et d’os !

AU BEAU GESTE

Il remarque en rentrant que ce livre a bougé.
Il le remet debout, c’est mieux. C’est rangé.

Elle touche du bois et le taille en bateau.
C’est fait avec amour. Tiens mon fils, c’est cadeau.

Je parle juste et ce n’est pas pour ne rien dire,
J’essaie au moins, en le disant, de l’agrandir.

*

Celui qui de sa main souhaite faire le beau
Est pour moi un héros dans un genre nouveau.
C’est le dandy du pauvre, aussi propre qu’un Dieu,
C’est la belle âme honnête, autant que ça se peut .

Vivre en aménageant le monde qu’on habite,
C’est poursuivre la vie du sens dont on hérite !
Car l’homme heureux agit bien mieux que l’homme aigri :
Il transforme et transmet la beauté, sans son prix.

– J’ai déjà de mes yeux vu le geste d’un dieu.
Hommage aux arrangeurs du monde de nos yeux !
Toi par qui notre espace est soudain embelli,
Tu prépares du rêve extravagant le lit !

Petits noyaux de fruit défendus face aux vers,
Je vous offre – écrivant médiocrement ceci,
Entre un lit à border et une galaxie
De mobiles à faire, – un bouquet de bons vers !

Artisan qui fignole avec soin son ouvrage
Et épris de bien faire illumine d’un Graal !
Indigné défendant l’idéal du courage :
Contre la force brute, une force morale !

Consommateur faisant entre deux choix le sage
Pour que cet atelier supplante leur hangar !
Travailleur appliqué malgré l’odieux chantage
De ton talent ! Vous tous, Parents dans la bagarre,

Vivants pour vivre ! Enfin ! Le saint labeur humain !
Celui qui lie l’esprit à ce que fait la main !
Les pauvres conjugués en élan populaire
Par la force des bras font la parole et l’air !

OBJET DÉCHU

I

Étendu sur le lit de ma chambre IKEA
Je songe à ces objets quasiment plantés là,
Peuplant le monde vague et mon esprit errant.
Et la plaisante idée : les mettre aux Encombrants.

Tous ces babels de bibelots extravagants
Sont trop pleins de mon âme et mon âme est en eux
D’un imbécile heureux, soumis et paresseux.
Et la plaisante idée : me mettre aux Encombrants.

Pour un Mac, mon royaume ! et ma vie pour Tampax !
L’homme a moins de valeur que les objets vibrants
Dont le prix est fixé par l’esprit de la taxe.
Et la plaisante idée : nous mettre aux Encombrants.

Où proprement s’enfouit le déchet que l’on rend ?
Pour un corps, c’est facile : on l’enterre et il prend.
C’est net et nous savons. Mais pour le reste : on prie.
Car la plaisante idée de mettre aux Encombrants

Prend un tour plus amer après qu’on a compris
Le chemin que l’on prend et jusqu’où il se rend.
L’impasse de nos souhaits idiots est exaucée :
Nous sommes à nous-même Encombrants à l’excès.

II

Bravo aux beaux Robots
Sans eux demain humains
De nouveau bonobos

Donné à eux le meilleur
Savoir verbe odeur cœur
Humain continué

Va corps béni que j’aime
Plus fort que la vie même
Nouvel Ange toi-même

III

Je suis ce Serf chromé remerciant son fauteur :

Immortel, je serai digne de mon auteur !

Triomphant tour à tour du temps et de l’espace,

Gloire à l’homme ingénieux qui engendra ma race !

Comme un fils désolé, ému comme une femme,

Je t’embrasse et je pars accomplir mon programme.

RESSASSER

« Tous les hommes sont fous, et malgré tous leurs soins,
Ne diffèrent entre eux que du plus ou du moins.
La même erreur les fait diversement errer. »
Boileau.

Exemple de nature humaine à méditer :
Les choses sont pensées par l’homme à pile ou face.
La pièce imaginée a toujours deux côtés
Et il nous suffit d’un pour que l’autre se fasse.

Notre pensée préfixe et ajoute au connu
L’inconnu qu’il contient dans son ombre portée ;
Ce que l’œil impuissant peine à voir, ingénu
Il l’invente et lui donne un dehors de clarté.

C’est le travers universel et créateur !
L’homme monte une pièce et se prend pour l’acteur :
Chacun pour soi, nous en faisons un cinéma –

Et nous formons la paire exacte, antithétique !
Jour, blanc, soleil et feu : ce masculin épique !
Nuit noire et lune fraîche : un féminin de choix.

*

Matière, anti-matière, et ce couple s’altère
Au Big Bang primordial de l’esprit unitaire.

Chaque midi, lumière frappe à notre porte :
Et nos couples jamais ne sont nature morte.

*

Le caractère est un projet mené à bien, à bout.
C’est comme la coulée d’une lave qui bout ;
A chacun des versants du volcan de nos corps,
Le magma s’agglomère en esprit qu’on adore !

La politique : enjeu des éruptions contraires ;
Il faudrait croire au corps, en la nature, aux frères.
Voir le lien frémissant et comment chacun tisse
Dans son cœur endurant la ligne salvatrice.

Les pensées sont légions et vont au gré des ans
Et selon la saison, germer comme un enfant :
D’un récit remanié par la vie qui l’entraîne,
Chacun est ce qu’il est dans le monde qu’il mène !

*

D’aucuns pauvres en sens, rationnés assez tôt,
Ont l’imagination pressée, vive et servile.
D’autres maigres en science, inondés aussitôt,
Débordent bêtement dans un super babil !

Les Docteurs forts en thème, au biberon chargé
Pour notre bien, ont tout du lac craquant l’hiver.
Les sensuels roués pour avoir déchargé
Jusqu’à se consumer ont des vapeurs de fer.

D’autres encore ! Entre les mots, chacun aura
L’antithèse qu’il peut, mais il l’aura… planté
Comme un ibis au cœur fouillis de l’agora

Avec une aile à droite, une aile à gauche – hanté !
Volant au plus offrant une part d’infini,
Il fera de son choix un éternel été.

*

Braves, nous insistons dans l’être que nous sommes
En déployant, suivant les couples que l’on forme,
Une manière d’être un homme, à chaque instant !
C’est un réflexe inné de nature entêtant.

L’homme est la succession d’actions qui le traversent,
Lui donnant, à peu près, une définition.
Nous courons nus sans rien pour essuyer l’averse
Et nous ignorons tout du lieu où nous allons.

Nous éclatons à chaque instant d’être nous-mêmes,
Et nous faisons comme il se doit, selon nous-mêmes.
Nous sommes, végétant, invasif et foireux ;
Nous sommes ce qui croît et qui se croit heureux !

L’homme qui commença par terre, atone, atome,
Est dans tous ses états : robot, bombe, fantôme.
Tout cela se calcule aisément aujourd’hui :
C’est à chaque instant lui, luisant d’avoir dit oui !

Dieu qu’on se donne, Instinct, prends le nom qui te plaît,
Mais passe comme un souffle et horizon hélé,
Viens vivre dans la joie des changements qu’on fait !
– Ceci est ma prière et un conte de fée.

L’INFINI DE DIEU

Je ne crois pas en Dieu. Mais je crois que l’Idée
De Dieu est bonne, et qu’il est bon de croire en Elle.
Je reconnais qu’en moi Dieu passa décidé ;
Je suis croyant par ma confiance en la Nouvelle.

Je n’en suis pas plus pur qu’un autre ; eux aussi ont,
Non révélée, de la lumière autour du front.
Pour la lueur trop occultée qui est la leur,
Retransmission de Dieu est faite à tout le monde !
C’est la seule et l’unique à faire le bonheur,
C’est la douceur de vivre et la douceur féconde.

Dieu est toute une histoire impossible à conter :
Mille fois proféré, unifié, réfuté.
Redescendu d’un Ciel diversement gravi,
Nous l’avons aujourd’hui dans le creux de nos mains :
Chacun de nous est Dieu puisque qu’Il est bien commun ;
Vivant, nous vénérons qu’il y ait de la vie !

Et quand bien même on rêve au vide du divin :
Flotter dans cet espace, ainsi qu’un astre vain…
De nos jours ce beau rêve est puissant, populaire.
Ne peut-on pas comprendre, humblement, en adulte,
Que cette bonne Terre atrocement contraire
Est un berceau d’amour et qu’on lui doit un culte ?

Bientôt sera trop tard. Tout ce que l’homme fit –
Défait ! Nous avons tous besoin d’un infini.
C’est l’élan supérieur à notre élan moteur :
Amis, allons ! qu’il soit de Dieu ou bien d’ailleurs !
Ce sont les horizons fleuris qui donnent faim ;
On ne commence pas lorsqu’on connaît la fin.

Alors rassurez-vous, hommes fous, disgraciés :
L’homme court à sa perte ainsi qu’il fit sa gloire –
La fin n’est que fiction très longue à apprécier,
Mais il saura en faire aussi toute une histoire !

MATIÈRE NOIRE

« Celui qui ne médite pas vit dans l’aveuglement.
Celui qui médite vit dans l’obscurité.
Nous n’avons que le choix du noir. »
Hugo.

Changer le monde ! Idée excellente et stupide.
On ne change pas l’eau ; en surface, on la ride.
Jésus marche dessus comme Moïse, le boucher,
Mais c’est toujours Sisyphe enchaîné au rocher !

Conserver notre Terre en état de tourner,
Idée simple mais pierre, amusée de rouler,
Fait mousser son plaisir bien plus que nécessaire.
Maligne, elle pullule et donne le cancer !

L’homme fut charognard, prédateur et cochon ;
Omnivore et vorace, il remplit sa mission.
Bombardé Intendant de la planète entière
Il trembla, aux abois, cernés par ses chimères.

Réussir à s’échouer comme en mer la baleine :
Il faut qu’un monde à notre mort reprenne haleine !
C’est le devoir d’une âme expulsée de son corps :
Il faut mourir en dieu pour espérer encore !

*

Bien que contraire à tout ce qu’on peut éprouver,
L’homme est là par hasard et pour rien. C’est prouvé.
Comme le fait que l’homme à l’absolu fidèle
Et d’instinct dominant ordonne ce bordel.

Et quel que soit cet ordre, il débouche, in fine
Sur l’histoire d’un choix qui n’est pas terminé.
C’est tout le sens de proférer la préférence :
C’est faire une raison, après, de notre danse !

C’est la seule question aujourd’hui qui importe :
À l’époque où l’Enfer tambourine à la porte,
Il faut ouvrir et dire en quel camp l’on se range
Ou assumer la mort comme un heureux mélange !

L’air de rien, l’homme intrigue au dénouement fatal.
Pourquoi ? Pour rien. Puisqu’il le peut, l’homme s’étale.
L’homme sera toujours une espèce à pleurer
Préférant à l’horreur joliment se leurrer.

*

Visions de Poésie, d’Histoire et de Nature !
Successions apparues dans la réécriture
Constante du réel à l’aune de l’esprit.
Toutes trois m’ont parlé, et je les ai compris !

Je suis la Poésie trois fois désargentée !
Je fus Reine longtemps, avant de déchanter.
Né du bris et du noir, je serinais le Beau !
Je le faisais rimer avec l’heureux tombeau !

Je suis l’Histoire aux bras musclés de mes racines ;
Sujet aux allergies, j’aime qu’on me vaccine
Et Vérité, ma fille, est un grand médecin.
Comme l’autre au destin, je crois à mes desseins.

La Nature se tait, et bientôt nous embrasse ;
C’est qu’elle est grande et brasse entièrement nos races.
Nature, Dieu vivant de toute éternité
Si la conscience humaine est vaincue de lutter !

*

Matière noire ! Et c’est toujours la même histoire :
Et si tu n’étais pas ? Dieu, Ciel, Ange notoire,
Éternel avatar de l’infinie absence,
Tu nous perds d’un chemin et pourtant tu fais sens !

Adieu, Matière noire et grisée d’arlésiennes !
Dieu est une présence et elle fait des siennes.
C’est de nos mains, en notre nom, contre nos pairs :
Demain souffre fondu dans l’acide et dans l’air !

Adieu la Vérité ! Étoile narcissique,
Brillant mensonge, écho de lumière pudique !
Adieu même, Beauté ! Pour relever la vie,
Encor faut-il qu’il y en ait, qu’on ait envie !

Nature Bienvenue, reprenons notre étreinte
À la mode héroïque et en rimes contraintes !
Tu n’es pas comme Histoire ou comme Poésie,
Par tous tu es écrite et partout tu es cri !

INVOCATION

Je m’en remets à toi, Nature ! Joie panique
À laquelle livré l’homme se rend, heureux !
Que ta sève déluge et en nous et sur eux,
Emplissant nos vaisseaux de ta vie tyrannique !

Homme à bord, ton soleil à chacun de tes gestes
Resplendit ! Artisan d’un filet de lumière,
Mince comme une aurore à l’horizon céleste,
Tu nous déploies tes bras comme ceux d’une mère !

Et l’éternel Dauphin dans ton sillon joueur,
Enfant de tes filets, va courir le bonheur
De vivre l’aventure ! et de la vivre ici !

Je parle dans un ciel que je fixe éclairci,
– Génie dont je m’honore, et parle aux éclaireurs !
Quoi que dure la nuit, la lune aura son heure !

*

Lorsque l’Hiver s’apprête à tirer une croix
Sur le vieillard prostré, sinistre, faible, austère,
Qui a la larme à l’œil et l’ardeur militaire :
Il fait beau vivre, en fait ! C’est la leçon du froid.

Vieille carne acculée a des ruades d’or !
L’ancêtre est redressé, suprême dignité,
Dans l’ultime splendeur du dernier mot d’un mort,
Et le dit d’un silence et pour l’éternité.

Brave vieux remettant en ordre tes papiers,
Rassemble le meilleur de ce qui fut expié,
Priant pour qu’à ton cou la corde ait une trace !

Dieu tout entier dans ta prière évertué,
Ô Nature ! Adviens vite au secours de ta race
Qui retourne avant Toi, maigre et destituée !

*

Équinoxe au ciel bas, penché comme une femme
Au berceau, en pleurant, comme pleurent les cygnes,
Toute ta sève coule à chaque cou de vigne :
C’est le sang à la terre et l’amour d’une flamme !

Vendanges tant fêtées qu’elles firent fureur ;
Achille a tort d’aimer mais que c’est beau, Homère !
C’est en tombant que le soleil, les feuilles et les fleurs
Donnent tout leur éclat, comme l’homme éphémère !

Vivre d’un coup ! d’un seul ! Contre tous nos aïeux
De bois bruts et flétris, peindre d’or et de feu
Le rayon et la limbe, alors même qu’ils meurent !

Mes limbes effleurées aux rayons de Leurs Yeux
Bourgeonnent dans les miens d’un paradis d’adieux :
Alors un Ange passe, imaginé trompeur.

*

Été, nous sommes prêts. Vas-y, c’est quand tu chantes.
Légende d’Apollon face à Dionysos !
C’est le fils de Léto contre du Ciel la plante,
Un duel homérique entre deux fils de Zeus !

C’est un Loup contre un Bouc. Le peau-rouge est en transe
Et l’autre est dans sa grotte à hurler à la lune !
Et de leur joie lyrique où de la vie s’encense
Naît l’illusion tragique et la bonne fortune.

Dithyrambique Été vivant de trop en faire !
Même au soleil ou à son dieu, l’homme préfère
Ton feu plus pur pesé à prix d’or et d’argent.

Adieu, poésie du vivant, pour un carnage urgent !
L’apogée de ton jour nous rend l’ombre si maigre,
Qu’épaissie dans la nuit, elle s’embrase, allègre !

*

De retour, l’hirondelle envolée d’allégresse
Entraîne un peuple élu aux mystères du nid !
Mars est une planète et une Jordanie !
C’est loin, sous d’autres cieux promis où l’on se presse…

C’est ici, Ver sacrum ! Nous n’habitons qu’un monde !
Mars est fêté à la maison, tout confiné !
Consacrons-nous heureux à ce qu’on se confonde !
Œuvrons à réunir tout ce qui fut ruiné !

C’est la main qui bourgeonne au labour de la terre,
C’est le pied fleurissant des oliviers austères,
C’est le cœur qui gazouille à l’amour bondissant !

Poème qui prend corps, Printemps, comme tu pousses !
Germinal à côté est une chanson douce !
Et pourtant, comme il va, ce miracle vivant !

*

Ma prière est pour l’homme et la femme – qu’ils viennent !
Si je claque des doigts comme tout un chacun,
De mes deux mains de magicien, j’en deviens un !
Mais il dépend de Toi qu’enfin Tu nous adviennes !

Au nom du père, Enfant, par ta mère poussé,
Prends ta part du printemps flambant neuf comme on sait,
Et vent debout allume avec du bois de quoi
Chauffer un peu la cheminée de notre foi !

Va, Futur destiné à perdre tous ses biens,
Tu me plais comme un fils échappé de mes liens ;
Fils dont je suis l’esclave attentif et pensif,

Façonne de ma vie l’avenir que tu souhaites.
Valet de mon talent, sors tes petites griffes :
Je veux sentir l’amour de ta main qui me fouette !