PROLOGUES À LA NUIT

Cette scène prend Place de la République.
Prologue et son gueulard de fortune, en panique :

Amis, la rue remue et nous en sommes !
Révolution bat dans nos veines !
Vienne cette heure où l’on nous somme :
Restons debout ! La force est vaine
.

De la musique fait arriver quelques gens.
Ça se regroupe en assemblée, en bande, en stand.

Ici ça parle haut, ça parle fort !
C’est convivial, comme un bon bide ;
J’en ai, j’en suis, de ce confort,
Écoute d’eux et moi des bribes :

Mise en lumière à chaque prise de parole.
Toutes les mains levées comme des soleils tournent.

Au passant demandant « qu’est-ce c’est ? » en tremblant :
« C’est un débordement qui a fait un enfant. »
Tout un chacun dialogue et dans la féerie
Cette déclaration est dansée en série !

*

Le peuple à la criée décrète le bon sens !

Lordon le donne, alors la place fait silence.

Le Mac Do ? C’est à droite, après la rue du Temple.

Hors de la Nuit on dit que tous les chats sont gris.

Un peu de poésie dans ce monde de brutes :

C’est avec des chansons qu’on excite la lutte !

Demain est annulé. Nous voulons ne pas être
Mêlés à votre Histoire où vous êtes les Maîtres.

Ce n’est pas mon combat, mais mon enfant a faim.
Ici on est debout depuis trois décennies.
Avant, où étiez-vous ?

On rappelle sur place (et trop tard) les émeutes.
C’étaient des loups ; on a les crocs ; à quand la meute ?

En l’état, l’État meurt. A mort, vive l’État !

Ils nous pissent dessus : ils déclarent qu’il pleut.
Nous sommes des milliers : ils diront qu’on est deux.
Nous savons ce qu’on fait : ils diront qu’on nous leurre.
Nous obtenons de droit : ils nous font une fleur.

C’est le détail qui tue diabolisant le tout.
C’est la chasse à la mouche, enculée de partout.

« Agir en primitif et prévoir en stratège » :
C’était un des slogans du bloc noir du cortège.

Tout aussi sûrement que notre ciel est bleu,
Demain nous reviendrons et nous serons nombreux.

Mais si tout est permis, rien n’est vraiment possible.
Et comme cet Indien de huit ans dans son parc,
Débile mais rieur bande en vain son bel arc,
Les flèches de l’espoir manquent toujours leur cible.

Comme des loups peureux, ramper aux urnes combles ;
Comme des couperets, tous les jours de Nuit tombent.

J’entendais cet enfant : « Il faut changer la vie ! »
Et je songeais combien je fus du même avis.
Je lui fis la leçon avec des mots qui mouchent
Qu’on me mit dans l’oreille et que je souffle aux bouches :
Écoute, mon petit, la vie est comme elle est
Et je sais qu’à tes yeux ce que tu vois est laid,
Car tes beaux yeux sont plein d’une imagination ;
Mais la vie va plus bas que tes élévations.

Faut-il le répéter ou ressortir l’épée ?
Le monde t’appartient et tu peux le raser !

Finkielkraut prouve un fait avec malignité :
L’idéal de la place est encore expulsé.
Il refera le coup avec les Gilets Jaunes,
Candide inconséquent d’un esprit qui s’étonne…

L’idéal de la lutte est la miséricorde :
Veilleurs et Réveilleurs ratèrent leur concorde.

Adama Traore, la Nuit n’est pas levée ;
Mais le gros du bourgeois ne s’est pas relevé.

Chemise oblige : on dit « Monsieur ». C’est mon travail :
Faire là-bas aussi d’enfants hommes qui vaillent.

*

Nuitdeboutistes indignés, en avant route !
La nuit remue, la nuit je mens, la nuit je doute.
Vivre semble joli quand la journée au lit
Je refais chaque nuit et le monde et la vie.

Forum des Ateliers : l’Avenir, c’est par où ?
Comment sortir de cette impasse où est la Place ?

C’est bariolé, mais pas assez.
C’est audacieux, mais pas assez.
C’est important, mais pas assez.
Ça se disperse avant l’été.

Tout est fini… mais pas encore.