Comme un enfant nu s’offre en riant à la pluie
Battante la campagne essuie l’intempérie.
Foutue la terre espère en être fécondée
Et laisse en ses canaux l’eau du ciel abonder.
L’onde déchue serpente et pénètre la glaise
Endurcie jusqu’au cœur brûlant de la fournaise :
Ce brasier mystérieux en fer et en fusion,
Irradie et redonne à l’eau une impulsion !
Vapeur échafaudée rejaillissant de l’antre
En pleine ébullition ! pour qu’au sol qu’elle éventre
Elle fume sans fin, comme le feu grégeois.
Source chaude et changée dans le soufre et la joie,
Exhale sans faiblir et baigne largement
Les enfants nus offerts à ta pluie en riant !
*
Le ruisseau maraudeur
Depuis sa source alpine
Charrie à tour de bras
Dans un flot de candeur
Le fruit de ses rapines
Jusqu’en bas.
Et là-bas,
Tous les hommes soupirent
Dans le bassin fumant
Chaud et régénérant
Des idées qu’il inspire
En pansant vertement
Toutes leurs plaies !
Ô Ruisselet !
Tu formas à la force
D’un remous de sillons
Ta cristallisation !
De la terrestre écorce
Aux plus noirs tourbillons !
Purifiant,
Lentement,
Ton magma initial
En une eau minérale
Digne d’un alchimiste !
Va, Esprit Idéal
Mettre ta bonne étoile
En bout de piste !
*
Après qu’il irrigua famille, amis et proches,
Le Ruisseau s’en alla comme ces éléphants
Dont la légende dit qu’ils meurent triomphants.
Lui qui fut pur et clair comme de l’eau de roche,
Voilà qu’il s’amalgame aux fleuves étrangers
Jusqu’au delta mortel où de limons chargé,
Vaincu, il se dissipe au fond du gouffre bleu.
L’eau vive a bien croupi. Les profondeurs sont froides.
Belle idée assoupie, j’attends ma sérénade !
Les lunes passent – rien. J’attends. Parfois, il pleut.
Oh c’est si douloureux d’être oublié de tous !
Je me rappelle ému la splendeur de ma course :
L’impulsion de l’esprit, les succès de l’action !
C’est dans ce purgatoire alors qu’on en termine ?
On laisse le Génie, nul ne le dissémine ?
La bonne aurore, enfin ! C’est l’évaporation !
Élue parmi la nappe infinie d’Océan,
La Source monte au ciel pour servir les vivants
Comme l’âme ravie d’un être qui n’est plus ;
Les enfants nus diront : « Je suis riche ! Il a plu ! »