Je crois montrer un peu ce que c’est qu’un poète
Dans ce livre où je mets le français à la fête.
C’est que mon sujet grave et enjoué s’y prête :
Il s’agit, en un mot, de dire au monde : Arrête !
Et va comme il faudrait que tu ailles afin
De n’avoir pas si tôt une si triste fin !
Je déplore mon temps et ses passions bizarres :
Nous adorons Midas en dédaignant César,
Nous admirons Paillasse en ignorant Orphée,
Nous méprisons Martin et son manteau sacré,
Nous nous bandons les yeux, puisqu’on n’a plus l’étoffe !
Apocalypse ! Apporte-nous la catastrophe !
C’est un bruit de silence, une chute, un malaise,
C’est dans l’air un violent parfum reniflé d’aise,
Un appétit brutal pour toute catastrophe.
Fléau, tu es prié : les hommes t’apostrophent.
Après nous, le déluge ! Apocalypse, danse !
Apporte-nous la pluie comme une récompense !
Bronca, Charivari, Pétarade et Tollé,
Cavaliers ricanants d’un présent désolé,
Venez, voyez ! Voilà ce qu’aujourd’hui nous sommes :
Des idiots à bâter et des bêtes de somme !
Armés, comme Scapin de son bâton, riez !
La marotte à la main, houspillez, houspillez !
Les Quatre Cavaliers épurant notre race
Nous passent sur le corps, sonnant notre disgrâce.
L’homme applaudit à la vision de leur passage :
Famine, Guerre, Épidémie, Bêtes sauvages…
Lâchés sur nous comme des dieux, auréolés !
Bronca, Charivari, Pétarade et Tollé !
L’heure est au carnaval de la race qui paisse
Et rend sa grande bouffe en vomi de l’espèce.
La mascarade est nue les lendemain de cuite
Et tout ce qui est craint arrive tout de suite.
Cavaliers déchaînés dans le grand dénuement,
Piaffez, dragons, et glas ! et glas au dénouement !
Pétarade, orgueil blanc, dit le fait de ta force !
Va comme un fou, piétine à ras, bombe le torse
En te cabrant, damné, aux quatre coins du monde !
C’est l’heure sous tes fers d’allumer une fronde !
Bronca, ta rouge gueule empourprée de colère,
Ouvre-la ! Montre-leur combien broie ta molaire
Puisque tu as les crocs pour foutre un monde en l’air :
Flaire le palpitant, vise la jugulaire !
Charivari, jaune et pâlot, au nez des gens,
Remue ta queue paillarde et fais souffler un vent
Contre l’odeur de sainteté de leur argent !
Au lieu de rire va, viens prendre les devants !
Et Tollé ténébreux, maigre comme un coucou,
Balance un peu ta paix intérieure à trois sous…
Ne parle plus pour rien, élève cet enfant
Et donne-lui le sein en homme triomphant !
Les Quatre Cavaliers bien rattrapés sont pris :
L’Homme sur eux est seul comme un Agneau qui crie.
C’est au cinquième saut que les chevaux s’envolent :
Grandes âmes passées, passez à tour de rôle !
Et pourtant, au premier tremblement de la terre,
Le soleil devient noir et la lune est sur terre.
Le silence infini de l’espace, à nouveau.
Les Quatre Cavaliers seraient presque dévots
Qu’ils ne seraient pas moins capables d’une éclipse !
Pour ta Révélation, écoute, Apocalypse,
Dressée par la main verte et ferme de la Vie :
Retourne à ta trompette, on t’a assez suivi.