NÉ POUR NAÎTRE « ET MOURIR »

Printemps 08.

Nés du ventre des femmes,
Maigres jetons sans âme
Jetés sans conviction
Dans l’enfer de l’action :
Que sommes-nous ? Poussière
Et au diable ma mère !
Poussière résignée
A ravaler sa trace
En empreinte soignée :
Dix-neuf, noir, perd – et passe.

L’homme est lame féconde :
Il tire du néant un nouvel assigné,
Le jette froidement dans les dangers du monde
Où d’un fœtus changeant il tourne avorton niais.

Je sais que le soleil qui se lève se vautre.
Je suis, c’est dur à dire, un peu comme vous autres :
J’ai – et je le regrette, une ivresse d’espace
Et le rêveur profond prend l’infini qui passe !

Seul l’Infini senti, respiré, vu, touché –
Même du bout des doigts, mérite d’accoucher.
Mais rejeté à tort comme du petit lait,
On le marque à la tache : alors, Il nous balaie.

Nous sommes de l’espoir issu d’un amour fou !
L’éternité de naître est rit de bout en bout !
Sur la scène la Vie déambule, debout !
Même en ne faisant rien, un homme est toujours tout.

« Mais la Mort tue. Et Naître, alors, nous destitue.
C’est retour à la brute antique des statues !
Saleté espérant renouer au lustral,
Redoré par sa mort lors de l’ultime râle,
L’homme ne s’intéresse au ciel gros de tempêtes
Que s’il lui tombe en un éclair et sur la tête ! »

Lorsque je serai mort, ouvre-moi les paupières ;
Mes yeux seront de glace et plein d’une bonté :
La sagesse des lois et la joie ouvrière.
Ils te regarderont d’un mensonge éhonté,
Et armés jusqu’aux dents ils diront leur prière.

Je ne crois pas plus en la mort qu’en la naissance :
Tout passe en catastrophe.
Comme ces grands oiseaux dans les ports de plaisance
Que la mer apostrophe.

La mort est un fléau finalement quelconque…

Je repose ma plume.

« Un Ange passe. »

Puis d’une voix qui a mué : La mort est un fléau…

Été 10.

Il est des choses qui sans cesse s’ensemencent ;
Naître n’est pas acquis : cela se recommence.

J’ai connu des cocons au feu claquemuré
Qui ne surent jamais s’éventrer d’une flamme,
Des serpents affligés infichus de muer
Et des plaies désertées par les fécondes lames.

Les tenants de la soie qui sans cesse trafiquent
Pour tenir en respect notre fournaise épique
Fauchent nos fils mutins taquinant leur monarque
Comme le fit, en musicien, l’ongle des Parques !

*

Dans un autre tapage qu’un dire de soi,
Un parler de poète ! Un poète françois.
Comme il en fut parfois dans les temps que j’ai lu :
De grands poètes droits, des comme on n’en fait plus !

Dédicace aux Anciens : aujourd’hui, je prends Muse.
Elle est belle et fluette, enthousiaste et muette.
Naïve et printanière, elle inspire des airs !
Elle a pour nom le peuple et pour sort la misère.
Elle fait peur, pitié, ma Muse désolée
Dont j’entends le long chant ravalé, muselé !

Je la laisse à son rythme enrager mon débit.
Cette chienne a souvent le mors pour alibi
Et salive suivant combien le mors l’étrangle ;
Elle remue souvent la queue quand on la sangle.

Elle a les crocs, tu crois, pour apprendre à régner ?
Va, saute au cou de l’Inconnu pour le saigner :

La main tendue était trop tendre. Elle a passée.

La mort est un fléau toujours recommencé.