Jan Palach étudiait à l’université
De Milan Kundera et de Jacques Le Goff.
Il s’est précipité
Pour sauver le Printemps d’un soleil catastrophe :
Et ce flambeau passa de bougies en brasiers
Pour flamber à nouveau des décennies après
Lorsque Vaclav Havel, défiant tous les bousiers,
Fleurira de Printemps la tombe de Palach.
C’est écrit sur la plaque :
« J’ai fait ça pour après. »
*
Mohammed Bouazizi, marchand quatre-saisons,
Avait connu les champs, les chantiers, le négoce.
Il s’élevait, tout doux, comme s’élève un gosse.
Dans tout Sidi Bouzid, charriant sa cargaison,
Il proposait à la criée des légumes, des fruits ;
Des pauvres dépendaient de sa charrette à lui.
Ce jour-là fut brutal : les policiers le prirent
De force – et donc de droit, avec un grand sourire.
Il s’en est plaint, c’est régulier, auprès du Roi.
Le Roi dormait, couvert de sel de pâmoison.
L’autre humilié, exclu, faute de pendaison,
Et contre le poison s’immola par le feu – pour autrui.
« Je fais cela pour vous. » […] Cela porta ses fruits.
*
Madame Lise était enseignante à Béziers ;
Des enfants turbulents chahutaient sa misère ;
Elle alla s’immoler. Prêchant dans le désert,
Toute trempée d’essence elle marcha, blasée :
« Je fais cela pour vous » dit-elle en un brasier.
D’autres se sont jetés par la fenêtre avant.
Et combien à la tâche épuisés comme avant ?
Toi tué au travail pour un meilleur futur,
Et toi, mort au combat pour sauver la droiture,
Et à tous les lanceurs d’alertes salutaires,
Entraînez tout un ciel ! qu’il tombe et les enterre !
Nous perdons en gaulois, mais en gaulois infâme,
En gaulois dégradé, en gaulois de roman !
Ave verum, Guerrier, suicidé par les flammes :
Je brûle ma maison, la regarde brûler,
Et dans la dignité de ce dernier moment,
Je me jette dedans, Horla immaculé !
Vrais corps en lutte et salués – c’est trop aimable ;
L’homme de paille, et né dessus, est inflammable.
Torche humaine chantant l’horreur du sacrifice
En l’éprouvant pourtant pour l’avenir d’un fils !
Nous brûlons d’espérer que le vent tourne un jour ;
Ils renoncent pour lui à vivre pour toujours.
Dans l’infini à faire, entre autres auréoles,
Au lieu de sanctifier des vedettes marioles,
Prendre au hasard parmi les martyrs de la vie :
Chunoshin, Ormando, Palach, Bouazizi,
Musa Mamut, Quang Duc et les autres – sans nom,
Misérables et Saints du feu de leur action !