L’HOMME TOUJOURS DEVANT

Quelque chemin qu’on prenne,
Devant, tirant les rênes,
Il est là, éclairant
L’homme errant :
Il a vécu ce que je suis,
Il a vaincu ce que je vis.

Dans la jungle moderne où des lianes diffuses
S’enroulent à nos mains, nous allons en singeant !
Baladés d’une branche à l’autre l’on s’amuse
À s’accrocher, suivant ou Jésus ou Saint-Jean !
Toujours là par principe et où que nous allions :
L’homme auquel nous pensions ! c’est l’effet Pygmalion.
Le drapeau était là de toute éternité :
Nous avons le bonheur d’avoir à répéter !

Quelque chemin qu’on prenne,
Devant, tirant les rênes,
Il est là, éclairant
L’homme errant :
Il a vécu ce que je suis,
Il a vaincu ce que je vis.

L’homme toujours devant, et quelque soit son nom,
Nous offre un horizon lorsqu’il parle en savant,
Mais qu’a-t-il à nous dire ? Et qu’il parle, est-ce bon ?
Il semble avoir souffert, mais pensé peu souvent !
Est-ce qu’un père arrive à préparer un fils
A lui-même être un père ? Avec ce maléfice,
Nous n’avons rien à dire aux poursuivants de l’homme :
Faites mieux et pas moins. Au pire, faites comme !

Quelque chemin qu’on prenne,
Devant, tirant les rênes,
Il est là, éclairant
L’homme errant :
Il a vécu ce que je suis,
Il a vaincu ce que je vis.

*

Un jour, navré, j’aurai besoin d’aller devant :
C’est l’envolée, hors du cocon, et en avant !
J’irai comme eux et comme toi pour devenir
Le quelqu’un dont je sens qu’il frémit d’advenir.
Si tout allait, tranquille et beau, aux quatre coins,
Je resterai au nid à jouer du tsoin-tsoin ;
J’arrangerai les miens dans des portraits divins :
Bonheur d’être vivant sans rien qui ne soit vain.

Quelque chemin qu’on prenne,
Devant, tirant les rênes,
Tu es là, aveuglant
L’homme errant :
Tu as vécu ce que je vis,
As-tu vaincu ce que je suis ?

L’autre est loin du héros mais s’il nous en faut un,
Et puisqu’il se présente… Espérons l’opportun,
L’homme qui tombe au pic d’une situation,
Et qu’autrui investit commandant de l’action !

Prends ton courage en main et le cœur à l’ouvrage,
Tu seras ce nuage épuisant nos orages
Sur la terre infichue d’être belle et féconde
Pour labourer, pour nous, de ta sueur un monde !

L’homme poussé devant accepte et il déçoit.

L’homme poussé devant refuse et il s’assoit.

Brise net et contre eux montre ton dos farouche !
Pars vite ! Et pars avant qu’ils te ferment la bouche !
Devant, c’est l’horizon et l’ivresse du large !
Là-bas, tous les soleils qui nous éclairent chargent !

*

L’homme assis au rebord
Sourit et voit, rêvant,
L’homme poussé devant
Prêt à partir d’abord.